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et avec ce fief le nom particulier qui a servi à distinguer sa descendance.

Toutes les parties du château de Busset ne sont pas de la même époque ; mais, contemplé dans son ensemble, il offre un très beau spécimen de l’architecture féodale arrivée à une suprême période. La force ancienne persistante encore s’y rencontre avec une élégance nouvelle, mais cette élégance cherche ses élémens dans les formes du passé plutôt que dans des formes hardiment innovées, — autrement dit force et élégance, grosses tours et jolies tourelles, arrondies comme si elles avaient été moulées dans un cylindre, parlent également du moyen âge, seulement ce moyen âge est celui des derniers jours. Peu d’ornemens extérieurs, les façades en sont sobres jusqu’à la nudité. Ce détail est à noter parce qu’il se répète si fréquemment dans toute cette région du Bourbonnais, de la Marche, du Forez, qu’il force l’observation. Dans toute cette contrée, l’architecture, à quelque ordre et à quelque époque qu’elle appartienne, roman, gothique, de la renaissance, n’a usé des ornemens qu’avec une extrême réserve. Les roses et les palmes du roman fleuri, les trèfles et les branchages du gothique élégant, les arabesques capricieuses de la renaissance ne sont jamais épanouies dans cette contrée, et ce qu’il y a de plus singulier, c’est que tous les monumens de cette région appartiennent précisément aux périodes où l’architecture eut au plus haut point le goût de l’ornementation exubérante, tant pour les édifices religieux que pour les édifices civils. À Moulins, la collégiale de Notre-Dame, toute jolie et coquette qu’elle est, doit sa grâce aux traits mêmes de son architecture et non à sa parure ; elle est cependant des dernières années du XVe siècle. Ce qui nous reste dans cette même ville du palais des ducs de Bourbon, et à Guéret le château encore presque tout entier debout des comtes de La Marche, l’un et l’autre également du XVIe siècle, sont purs d’ornemens à un tel point, qu’on en est conduit à penser que les architectes qui les ont construits considéraient l’ornement non comme une grâce, mais comme le contraire de la grâce. Et c’est l’époque de l’éblouissante floraison de pierre de la Touraine et de l’Anjou ! À vrai dire, pour ces châteaux des ducs de Bourbon et des comtes de La Marche, on peut soupçonner une influence italienne et une main italienne ; mais ailleurs quel peut être le motif de cette sobriété ? Le château de Busset nous en offre encore un bien aimable exemple dans sa jolie chapelle gothique tout récemment restaurée avec un goût parfait par un architecte d’Angers dont nous regrettons d’avoir oublié le nom. Il semble que plus un édifice est petit, et plus il appelle l’ornement comme une grâce due à sa petitesse, absolument comme un enfant ou une jeune fille appelle plus naturellement la