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propres intérêts pour négliger l’occasion de se payer une pareille fête.

Les Italiens ont repris la Cenerentola, mauvaise soirée dont la musique de Rossini ne s’est point tirée trop vaillamment. L’exécution était certes des plus ordinaires, mais il n’en reste pas moins acquis à l’évidence que cette partition a beaucoup perdu. C’est une musique toute faite de procédés, de formules, merveilleusement assortie au goût de son temps, et qui devait réussir dans une époque où Cimarosa et Païsiello donnaient le ton. Le public alors voulait du bouffe italien comme plus tard il a voulu du bouffe parisien, car l’histoire ne varie point, nous ne recherchons et ne goûtons au théâtre que la pièce qui ressemble à celle que nous avons applaudie la veille : « dépêchez-vous d’employer ce remède pendant qu’il guérit, » dépêchez-vous de courir à cette musique pendant qu’elle est à la mode, car elle aura cessé d’être belle du jour où la mode en passera. Pour le Barbier de Séville, c’est tout différent, le Barbier, c’est le génie, la flamme, la vingtième année, tout ce qu’on voudra, excepté le système, l’école. Si vous voulez un opéra-bouffe bien orthodoxe, prenez le Barbier de Païsiello, celui de Rossini échappe aux conditions-mères du genre, tandis que sa Cenerentola se fait un devoir d’y retourner. Des calques enlevés d’une main preste, des redites sans fin, et quelle sublime absence de conviction ! Une œuvre toute française dont l’Opéra-Comique a le tort de ne s’être pas souvenu depuis des années, la Cendrillon de Nicolo Isouard, pour le naturel, la couleur et le sentiment du sujet, vaut cent fois mieux. Jadis au feu de la bataille, le vieux Berton était dans son droit lorsqu’il proclamait en ce point la supériorité du maître français, ce qui n’empêche pas l’auteur de Montano et ses compères d’avoir furieusement déraisonné dans cette levée de boucliers contre le rossinisme envahissant. Il convient cependant de reconnaître que ces magots-là ne déraisonnaient pas toujours, et qu’à leurs invectives se mêlaient des critiques dont le temps a fait de pures vérités. — L’exécution de Cenerentola manque d’attrait. Sans le prince Ramire, un vrai ténor de féerie, on patienterait encore. M. Delle-Sedie, de moins en moins en voix, mais conservant son style exquis, et M. Zucchini, toujours en gaîté, chantent l’un Dandini, l’autre don Magnifico, et leur duo du second acte (reproduction ponctuelle de celui du Matrimonio) fait qu’on se reporte un instant aux joyeuses émotions du passé. Quant à Mlle  Belocca, elle ne possède point la virtuosité nécessaire à semblables épreuves. Gracieuse, quoique sans autorité dans ce rôle, où les plus grandes cantatrices se sont tour à tour exercées, elle s’est cassé le cou au rondo final.

Aimez-vous le Hændel ? C’est quelquefois bien assommant ; mais ne vous découragez pas, surmontez les ennuis du voyage, gravissez les sommets, et vous verrez par instans quels horizons et quels spectacles, templa quam splendida ! La Fête d’Alexandre, aux concerts Bour-