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listes les tiennent presque complétement. Tout récemment encore, ils viennent de s’emparer de la petite ville de Portugalette, qui, par sa position à l’embouchure du Nervion, est maîtresse des communications avec Bilbao par mer, de sorte que cette dernière ville se trouve maintenant tout à fait cernée. Si elle n’est promptement débloquée, elle tombera sous peu, et ce serait pour la cause carliste un succès des plus importans. Malgré une force réelle, les carlistes ne résisteraient pas sans doute à un gouvernement régulier, établi dans des conditions sérieuses, ayant une certaine autorité morale. Le gouvernement qui est à Madrid réunit-il ces conditions ? Il manque d’argent, il n’a pas retrouvé une armée ; quant à l’autorité, il ne l’a que très médiocrement, il ne peut pas même l’avoir. Il se compose d’élémens incohérens, radicaux qui ont servi le roi Amédée, anciens monarchistes qui ont fait la révolution de 1868, républicains unitaires. Entre ces élémens, la guerre est déclarée au sein même du ministère, qui ne vit qu’à force de transactions de jour en jour plus difficiles, et, si le cabinet actuel se disloque, où le général Serrano ira-t-il chercher des ministres ?

Quelle est la politique possible au milieu de ces confusions ? L’autorité morale manque évidemment, et déjà un des principaux chefs militaires, le général Martinez Campos, qui commandait en Catalogne, vient de donner sa démission avec éclat, en déclarant dans une proclamation qu’il avait cru que par le dernier coup d’état on avait voulu faire un gouvernement conservateur, que, puisqu’il n’en est pas ainsi, il se retire. Des officiers de Carthagène amnistiés et envoyés dans les régimens, des généraux qui commencent à rompre avec le gouvernement, si c’est ainsi que la discipline se rétablit, que l’armée se refait et qu’on se prépare à la guerre contre les carlistes, il est probable que l’imprévu n’a pas dit son dernier mot au-delà des Pyrénées. De toute façon, c’est une période de transition qui peut se prolonger encore, si l’on veut, qui peut aussi être précipitée vers un dénoûment soit par quelque succès carliste, soit par quelque nouveau mouvement révolutionnaire, soit par la lassitude du pays, demandant enfin un gouvernement régulier pour sortir de ces agitations mortelles.CH. DE MAZADE.

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REVUE MUSICALE.


Voilà donc enfin l’Opéra installé à Ventadour ! Pour si modeste que soit le logis, il n’aura pas été conquis sans peine. C’était en effet à ne pas s’y reconnaître dans la fumée qui a suivi cet incendie. Tout le monde voulait être directeur, tout le monde voulait ouvrir la nouvelle salle. Sans parler de ces entrepreneurs de jeux publics qui se rencontrent sur le seuil de toutes les grandes affaires, toujours prêts à mettre