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tombé du pouvoir et que l’assemblée qui venait de se réunir à Madrid a été dispersée par la souveraine autorité d’un coup d’état, il y a un nouveau gouvernement dont le général Serrano reste le chef. Quel est le caractère de ce nouveau gouvernement ? Que représente-t-il et que se propose-t-il de faire ? C’est tout ce qu’il y a de plus mystérieux au monde. Ce qu’il y a de plus clair, c’est qu’il n’a pas eu certainement beaucoup de peine à s’établir, à vaincre les résistances qu’il a rencontrées dans quelques villes comme Saragosse, Valladolid ou Barcelone. Il est resté rapidement et sans grands efforts maître de la situation ; il a eu même pour son avénement la bonne fortune de la chute de Carthagène. À vrai dire, en toute justice, c’était M. Castelar qui avait préparé cet événement avant d’être renversé, et dès que l’assemblée où les insurgés comptaient trouver des connivences disparaissait avec M. Castelar lui-même, le dernier espoir s’évanouissait pour eux. La ville est tombée ou elle s’est rendue ; mais c’est ici que commence l’obscurité sur la politique du gouvernement. Carthagène a-t-elle été enlevée, soumise par les armes ? Toujours est-il que, si la force est intervenue, il y a eu aussi une capitulation, une véritable capitulation négociée, acceptée, dont le premier mot est : « considérant la défense héroïque de la place de Carthagène et les propositions faites par la junte révolutionnaire… » C’est ce qui s’appelle honorer le courage malheureux. On a été des héros des deux côtés, les insurgés n’ont pas réussi, et voilà tout ; il n’y a que l’Espagne qui a souffert ! Les chefs les plus compromis de l’insurrection avaient pris le soin de se sauver sur la frégate la Numancia, qui les a portés sur notre rive, à Oran. Quant aux autres, ils ont le bénéfice de la capitulation, dont le premier effet est de laisser leur rang et leurs grades à tous les officiers, déserteurs ou autres, « des troupes régulières ou mobilisées. » Officiers galonnés et soldats ont été envoyés à Madrid pour être distribués dans les divers corps de l’armée, dont quelques-uns, il faut le dire, se sont empressés de décliner l’honneur de recevoir ce brillant contingent. Les forçats employés au service de l’insurrection formaient une catégorie à part. Pour ceux-là, ils ont dû rentrer dans leurs prisons, mais « sans augmentation de peine. » Encore quelques jours d’héroïsme, et la peine aurait été réduite ! C’est ainsi que les insurrections se terminent en Espagne, et que le gouvernement issu du coup d’état du 3 janvier rétablit l’ordre.

Il est vrai, le gouvernement de Madrid a une excuse spécieuse, il avait hâte d’en finir pour se tourner contre les carlistes. Dès le lendemain, il a expédié vers le nord la plus grande partie des forces qu’il avait devant Carthagène. Ce ne sera pas de trop, car il ne s’agit plus d’une insurrection à dompter, de quelques bandes à poursuivre ; c’est désormais une véritable guerre à entreprendre contre une armée retranchée dans les provinces du nord, occupant la plus grande portion de la Catalogne, s’étendant en Aragon et vers Valence. Quant aux provinces basques, les car-