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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 janvier 1874.

On s’était dit cependant qu’il y avait une vertu réparatrice dans les épreuves, que le malheur, en créant une situation nouvelle, créait aussi des devoirs et des sentimens nouveaux, qu’on devait au pays d’oublier les vaines querelles, les préoccupations égoïstes, les rivalités mesquines, les préjugés et les fanatismes de parti pour ne songer qu’aux affaires sérieuses. On s’était dit que la France, la mère commune, valait bien qu’on se dévouât à elle et à elle seule, qu’en présence de tant de blessures si vives encore et de tant de ruines si récentes tout devait se subordonner à une œuvre unique de reconstitution nationale, que le patriotisme, dans ce qu’il a de plus simple, de plus élémentaire, était, lui aussi, une politique.

Oui, on s’était dit cela, on l’avait pensé, et assurément ce n’était point impossible : c’était l’inspiration la plus sûre, la seule qui ne pût pas tromper dans un moment et dans un état de société où pas un parti ne peut élever une prétention sans rencontrer aussitôt tous les autres partis coalisés pour lui disputer la prépondérance exclusive. C’était de plus facile avec un pays comme le nôtre, bon, patient, docile, prompt à renaître et à revivre à la moindre perspective de paix et d’ordre qu’on ouvre devant lui. S’occuper avant tout de rendre à la France une armée sérieusement reconstituée, des finances suffisantes pour porter le fardeau qui pèse sur elle, une administration active et vigilante, savoir refaire peu à peu sa situation par l’esprit de conduite, par la prévoyance et la sagesse sous un gouvernement neutre, national et incontesté, c’était la meilleure politique, la seule possible et efficace pour quinze ans, pour dix ans au moins. Est-ce là ce qu’on a fait et ce qu’on fait encore ? Trois ans sont passés depuis la grande crise. L’assemblée qui siége à Versailles vieillit sur son œuvre inachevée. Il y a eu déjà le chef du pouvoir exécutif du 17 février 1871, le président de la répu-