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moins fort problématiques que nous devons chercher notre point d’appui. À la suite de nos désastres et de nos premiers efforts pour les réparer, nous avions retrouvé en Europe non pas des alliances, — nous ne pouvons songer encore à rien de pareil, — mais de sérieuses sympathies ; la seule apparence de cette politique fantaisiste a suffi pour les compromettre. En Angleterre, où l’on n’a guère l’habitude de se battre contre des fantômes, on a vu un homme d’état blanchi dans les grandes affaires, lord Russell, prendre l’initiative d’une démonstration populaire contre les agissemens ultramontains. En Russie, l’opinion nous revenait sensiblement. On y appréciait nos difficultés et nos travaux. On nous y savait gré d’essayer d’imiter ce célèbre et salutaire recueillement dont on nous avait autrefois donné l’exemple, et d’où était sortie la glorieuse émancipation des serfs. Nos amis, déconcertés et refroidis, se demandèrent avec plus d’ironie que d’inquiétude si dans notre ardeur de prosélytisme, nous n’allions pas recommencer quelque nouvelle équipée en faveur de la catholique Pologne. En Italie, nous avions conservé malgré tout de fidèles amitiés, témoin le livre récent d’un homme qui nous a donné de précieuses marques de sympathie dans nos malheurs, et dont nous ne devrions prononcer qu’avec respect le nom synonyme d’honneur, de courage et de loyauté, — je parle du général La Marmora[1]. En présence de notre nouvelle attitude, on dut s’y mettre en garde contre des menaces directes et incessantes, et le roi Victor-Emmanuel se décida au voyage de Berlin, démarche faite à contre-cœur, et qu’il n’aurait à coup sûr jamais entreprise, si la politique ultramontaine n’avait paru prévaloir dans nos affaires. En Autriche, pays que l’ultramontanisme considère volontiers comme sa forteresse et où l’on avait pour nous des sentimens bienveillans, on donna à dessein à la réception faite au roi d’Italie un éclat exceptionnel, destiné à nous avertir que nous faisions fausse route. Enfin les petits états, même ceux qui, comme la Belgique, semblaient momentanément liés à notre système par une certaine analogie de situation ou plutôt de tendances ministérielles, donnèrent des signes non équivoques de leur crainte et de leur mécontentement de voir la paix de l’Europe exposée à de nouveaux périls. Si telle fut l’impression produite par notre conversion présumée à la politique des mandemens dans les pays dont les dispositions à notre égard étaient plutôt amicales que

  1. Je fais allusion ici à la curieuse et instructive brochure du général intitulée Un po piu di luce… récemment traduite en français, livre plein de faits irréfutables, objet en ce moment de démentis qui ne l’atteignent pas.