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du dernier règne, la seule qui, poursuivie jusqu’au bout et achevée par son propre auteur, nous eût donné une alliance à l’heure du danger, la seule peut-être qui mérite de relever aux yeux de l’histoire une époque de décadence et de médiocrité. Survint l’effroyable écroulement de l’année 1870. Au milieu de ces catastrophes inouies, la chute du pouvoir temporel du pape passa comme un événement inaperçu, tant elle était prévue, préparée, inévitable, et tant les terribles réalités qui pesaient sur nous l’avaient réduite à ses véritables proportions. En ouvrant les yeux à la lueur du coup de foudre, nous n’apercevions autour de nous que des ruines. Nous n’avions pas seulement à relever notre pays, nous avions à le refaire de toutes pièces. Au dehors, tout était transformé. Des forces nouvelles avaient surgi en Europe. L’Italie était faite, constituée sur des bases inébranlables. On avait pu jusque-là disputer sur les avantages ou les inconvéniens d’une nationalité italienne, nier les grands courans de l’histoire, oublier que la chute de la souveraineté pontificale n’était que le dernier anneau d’une longue chaîne d’événemens. Ces débats n’avaient plus désormais que la valeur d’une thèse académique.

Nous avions assez d’occupations chez nous pour ne plus nous mêler des affaires de nos voisins. Il fallait prendre son parti des faits qu’on ne pouvait ni contester ni détruire, faire la part des questions jugées, travailler à regagner les amitiés que nous avions perdues. Et s’il nous fallait à tout prix le luxe d’une haine nationale, nous savions où la placer désormais.

Tout le monde le comprit ainsi, à l’exception du parti ultramontain. La leçon des événemens est toujours perdue pour les sectaires. Muet d’abord au sortir de la terrible crise, puis enhardi par les ménagemens inconsidérés qu’on avait pour lui, contenu à grande peine par les temporisations parfois trop habiles de M. Thiers, plus tard tout à fait enivré du sentiment de sa force à la suite des concessions excessives qu’on lui a faites en vue d’une entreprise dans laquelle on avait besoin de ses services, l’ultramontanisme reprit peu à peu sa propagande envahissante, et enfin osa dire tout haut sa pensée et son but. Ce but, cette pensée dominante, ce n’est ni la réparation de tant de ruines, ni le rétablissement de nos forces matérielles et morales, ni l’apaisement de nos divisions intestines, ni le recouvrement de nos provinces perdues. Non, il a mieux à nous proposer ; cette nécessité plus haute, cette mesure de salut, cet objet supérieur, pressant, unique, c’est la restauration du pouvoir temporel du pape ! Voilà le but que doit poursuivre avant tout notre politique, si nous voulons nous régénérer ! Avec lui tout est sauvé, sans lui tout est perdu. Ne répondez pas à ces étranges sauveurs