Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 1.djvu/681

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Marguerite d’Autriche, la fille naturelle de Charles-Quint. L’humiliation était complète ; mais, si les Florentins n’étaient plus animés d’un puissant esprit politique, ils avaient conservé du moins un patriotisme exalté, auquel s’ajoutait maintenant la fiévreuse ardeur qui enfante les insurrections et les révoltes : ils refusèrent de se soumettre, et on en vint à cette extrémité, qui marque bien le degré de misère où, presque subitement, l’Italie était tombée, de faire assiéger pendant dix mois Florence par le prince d’Orange, placé à la tête d’une armée composée des pontificaux et des impériaux (octobre 1529 — août 1530). L’indignation soutenait les Florentins, qui furent héroïques. Deux moines du couvent de Saint-Marc, Benoît de Foiano et Zacharie, renouvelant l’ardente prédication de Savonarole, proclamaient de nouveau le Christ roi de la ville, et inspiraient au peuple un mystique enthousiasme. Les villas voisines des remparts avaient été rasées ; les orangers et les oliviers, réduits en fascines, s’ajoutaient au travail des fortifications, que Michel-Ange dirigeait ; chose plus difficile, les querelles intérieures s’étaient apaisées, mais non pas les intrigues des partisans de l’ancienne famille ducale. La trahison l’emporta, et il fallut capituler. On stipula que les personnes et la liberté seraient sauves ; mais une balia composée des amis de la restauration s’empara des affaires, et multiplia les violences. La cloche qui avait convoqué le peuple aux combats de l’indépendance fut brisée en morceaux, les principaux patriotes eurent la tête tranchée ; les tortures et les procès, la confiscation et l’exil répandirent la terreur. À ce prix eut lieu la restauration des Médicis : il est clair qu’ils ne pouvaient plus être aux yeux de leurs nouveaux sujets que les représentans de l’étranger ; ils venaient régner sur des ennemis vaincus.

Or non-seulement Guichardin, engagé de nouveau dans le service du pape, assista et prit part aux négociations de Bologne, où les destinées de Florence furent sacrifiées de la sorte, mais, bien plus, il accepta de rentrer dans sa patrie pour y servir le nouveau gouvernement. Se faisait-il quelque illusion ? Pensait-il rencontrer dans une partie de la population quelques sympathies et triompher avec ce secours de ce qu’il connaissait ailleurs de ressentimens et de colère ? Espérait-il être utile encore à l’Italie ou bien à Florence, en coupant court par la force à des projets obstinés de lutte impossible ou d’insurrections désastreuses ? Guichardin lui-même répond à ces questions par plusieurs morceaux de ses œuvres inédites, notamment par quatre discorsi du second volume où se trouve un complet programme de la politique par lui conseillée.

Il serait puéril au nouveau gouvernement, suivant lui, de se dissimuler qu’il est détesté et qu’il n’aura jamais beaucoup de partisans ni d’amis ; d’une part en effet son origine est odieuse à l’ensemble