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nouvelle tranchée qui le conduisit d’abord au mur de Lysimaque, puis à un autre mur beaucoup plus antique, dont le pied est à 14 mètres au-dessous du niveau supérieur. Il repose sur le rocher ; la hauteur est de 8 mètres ; la face antérieure forme un parement solide maçonné avec de la terre, la face postérieure est brute et soutenait les terres de la colline. Cette construction est d’une énorme épaisseur ; c’est moins un mur qu’une tour allongée ou un bastion plein, sur lequel est une sorte de banc en maçonnerie et un creux pour cacher des soldats. À gauche de ce bastion puissant se trouve une porte donnant entrée dans la citadelle ; elle forme comme un couloir, garni sur chaque côté de murs en pierres et en boue comme la tour. Ce couloir est pavé de grandes dalles, et deux paires de pieds-droits ou de jambages, séparées l’une de l’autre par un intervalle carré, montrent que l’entrée de la forteresse était protégée par deux portes consécutives. Le bastion se continue à gauche de la porte : au-dessus d’elle, il y avait de vastes constructions de bois ; quand l’incendie les atteignit, elles s’écroulèrent dans le passage, le remplirent d’un énorme brasier et calcinèrent les paremens des murs, comme cela a lieu dans les fours à chaux. Les cendres et les décombres étaient tels qu’ils dépassaient le haut de la porte de plus de 3 mètres : quand on les enleva, la surface des deux murs avait encore sa forme ; mais une fois à l’air, il s’en détacha une couche pulvérulente et calcinée.

La porte double conduisait d’abord dans une vaste habitation, beaucoup mieux construite que les maisons particulières et qui couvrait en partie le couloir. C’est cet édifice qui, en s’écroulant, ensevelit sous ses ruines la porte et la tour. Si l’on compare cette maison aux autres, il est visible qu’elle l’emportait de beaucoup sur elles par sa grandeur, par sa solidité, par sa position dominant la plaine, les deux mers et la porte probablement unique de la citadelle. C’était un véritable palais, ce que les anciens Grecs appelaient megaron, et l’on ne peut guère douter que ce ne fût la résidence du seigneur féodal qui régnait ici. La tour, la porte, le palais, appartiennent par leur assiette à la seconde couche, la couche de cendres rouges et de maisons calcinées. Il y avait donc eu auparavant une population représentée par la première couche, celle qui repose immédiatement sur le rocher. Lorsqu’on déblaya cette partie de la citadelle, on vit qu’au palais incendié en avait succédé un autre dont les fondations posaient sur les décombres du premier. Selon la coutume de toute l’antiquité, le second édifice  avait été superposé au premier château ; on voyait clairement du reste qu’il appartenait à la troisième époque, à celle qui a suivi la conflagration.

Pendant l’été de la même année, les fouilles se portèrent du côté