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que le sol vierge. « J’y ai, dit-il, employé une bêche, — un couteau m’aurait suffi. » Au sortir de la vallée d’Atchi-Kieui, sur la rive droite du ruisseau qui l’arrose, est un tertre appelé Kanaï-Tépé ; vis-à-vis se trouvent les restes d’une petite ville antique. M. Calvert, y ayant observé deux sources, l’une chaude et l’autre froide, en conclut que c’était la ville de Troie ; mais ni les textes, ni la topographie, ni l’âge des poteries trouvées à cette place, ne permettaient cette supposition. Des fouilles faites par lui dans les ruines d’un ancien édifice mirent au jour une inscription portant l’inventaire du temple d’Apollon Thymbrœos. Les doutes possibles avaient ainsi disparu.

Restent Bounar-Bachi et Hissarlik, les seuls points qui se disputassent l’honneur d’avoir porté les temples et les palais troyens, si ces temples et ces palais avaient jamais existé. J’ai déjà rappelé que M. John Lubbock n’a rencontré dans le prétendu tombeau d’Hector que des tessons du iiie siècle avant Jésus-Christ. Les poteries répandues sur le haut et sur la pente de cette colline, nommée par les Turcs Bali-Dagh et au bas de laquelle est Bounar-Bachi, sont en très petite quantité et ne remontent pas au-delà de la période grecque historique. Dans les parties où les eaux ont entraîné les décombres, ils atteignent jusqu’à 2 mètres d’épaisseur, mais ne contiennent rien d’archaïque, et laissent presque partout le rocher à nu. Dans l’espace compris entre cette petite acropole hellénique et les sources de Bounar-Bachi, le consul von Hahn a exécuté en 1861 des fouilles étendues. Il y a fait travailler trente ouvriers pendant quatre semaines, et il a exposé le résultat de ses recherches dans une brochure[1]. Il y déclare que ni lui ni ses compagnons n’ont réussi, malgré leurs efforts, à trouver dans cet espace le moindre indice d’habitations humaines, pas même des tessons ou des fragmens de tuiles, objets qui ne manquent jamais dans les lieux jadis habités. Partout où le rocher se montre à nu, il n’a rencontré aucun espace aplani, aucune pierre ayant pu faire partie d’une construction ; le rocher présente toutes ses inégalités naturelles, et le sol n’a jamais été remué par la main des hommes. M. Schliemann a repris en 1868 les fouilles commencées par M. de Hahn ; il a scruté toute la superficie de la petite enceinte du Bali-Dagh et n’y a découvert, comme son prédécesseur, que des poteries helléniques remontant au ve et tout au plus au vie siècle. Par conséquent les murs qui formaient l’enceinte ne peuvent pas remonter plus haut dans le passé, les murs n’étant dans aucun cas plus anciens que les poteries. On avait appelé l’attention sur les sources, prétendues chaudes et froides, qui sont au-dessous de Bounar-Bachi, et l’on avait dit que là

  1. Die Ausgrabungen auf dem homerischen Pergamos.