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artificielles de terre, d’ustensiles et d’ossemens que les hommes d’autrefois ont laissées. Ce qui assure presque toujours le succès de ces recherches, c’est que l’usage de creuser des caves sous les édifices est moderne ; les anciens ne le connaissaient guère, sauf de rares exceptions : quand une ville était ruinée, on en élevait une autre sur les débris. Ainsi se sont formées ces couches de décombres superposées comme des étages géologiques, et qui permettent de reconnaître sur un point habité les races et les civilisations qui l’ont occupé tour à tour. En outre on a reconnu que, du jour où les hommes ont su modeler l’argile et la cuire au feu, ils ont fait l’ouvrage le plus durable qu’ils aient jamais fabriqué. À l’exception d’un seul métal, tous les autres se détruisent dans la terre en s’oxydant ; les pierres des maisons ruinées sont reprises et employées à des constructions nouvelles. Les métaux sont toujours bons à recueillir ; les armes, les ustensiles et les objets d’art en métal servent toujours et se transforment par un nouveau travail ; l’or se transmet de génération en génération et devient monnaies ou bijoux ; le marbre fournit d’excellente chaux : ce sont les fours à chaux qui ont fait et qui font encore disparaître les édifices de marbre construits par les artistes d’autrefois. Ainsi presque tout ce qui constitue le matériel d’une ville est destiné à disparaître. La poterie seule subsiste, et, si le vase est brisé, personne ne songe à le recueillir. Il y a de grandes villes de l’antiquité qui n’ont laissé d’elles-mêmes que de la terre et des tessons.

Pour avancer dans « la question troyenne, » il ne restait plus qu’à fouiller le sol sur tous les points signalés par les textes ou portant des traces visibles du séjour de l’homme. C’est ce que l’on a fait dans ces dernières années. Le premier qui creusa une excavation dans le pays de Troie fut Choiseul-Gouffier. Il était difficile alors d’obtenir une telle autorisation. Dans les pays civilisés, où l’intérêt de la science passe en première ligne, chacun se prête ou concourt à ce genre de travaux. Les Grecs, par égoïsme national ou par jalousie, ne s’y prêtent que malgré eux. C’est bien pire encore en pays turc. Hors de la péninsule hellénique, quand un savant remue une pelletée de terre, on se persuade qu’il cherche un trésor. Choiseul-Gouffier fouilla le tumulus appelé tombeau d’Achille ; il y trouva quelques débris romains, et l’on jugea que ce devait être la sépulture d’un certain Festus, mis à mort et brûlé par Caracalla, à l’imitation des funérailles de Patrocle. Ce fut une première déception. Le même ambassadeur fit excaver le tombeau d’Ajax (In-Tépé). Il n’y trouva rien de troyen ; on découvrit seulement une sorte de conduit souterrain et des restes qui semblaient provenir d’un petit temple construit au temps d’Adrien.

Le tombeau de Patrocle, situé à côté de celui d’Achille, près du