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cutons donc, puisque discuter il faut, non pas avec l’idée d’épuiser ce fécond sujet de controverse, non avec l’espoir de convertir les abstracteurs de quintessence, mais dans l’intention de débarrasser le terrain des faits de ces broussailles ; de raisonnemens sous lesquelles le vrai et le simple disparaissent.

Voici d’abord ceux qui regardent la vigne comme malade par suite de l’épuisement du sol. On peut aisément leur concéder que des cultures épuisantes répétées sur la même terre l’appauvrissent, la stérilisent plus ou moins, et que la diminution des récoltes et même dans certains cas une moindre résistance à l’action nuisible des parasites sont la conséquence de ce contre-sens agricole ; mais à quel agriculteur sérieux fera-t-on croire que les beaux vignobles des terres d’alluvion de l’Hérault, labourés, fumés à profusion, sont livrés au phylloxera parce que tout d’un coup l’épuisement du sol est venu les rendre ainsi vulnérables ? Pour ne citer qu’un fait entre cent : un agriculteur très distingué, ancien élève et répétiteur de l’École d’agriculture de Grignon, M. Émile Mourret, possède à Saint-Gabriel, près de Tarascon, des terres où la garance, la luzerne, les céréales, donnent de beaux rendemens. À partir de 1863, il y plante des vignes qui deviennent d’abord magnifiques, mais où la maladie apparaît par taches en août 1868. Ces vignes, occupant 14 hectares et dont l’âge était en 1870 de deux, trois, quatre, cinq ou six ans, auraient alors pu produire 1 000 hectolitres de vin : c’est à peine si l’on peut grapillant en récolter 30 hectolitres. Aujourd’hui, de ce beau vignoble si plein de promesses, il ne reste plus un cep vivant ; mais les terres, rendues à leur ancienne culture, ont donné cette année 24 hectolitres de blé à l’hectare. Pourra-t-on dire que l’épuisement les avait livrées au phylloxera ?

Arrivent les adversaires de la taille courte telle qu’elle se pratique avec tant d’avantage, et d’économie dans les vignobles du midi de la France. La plupart, partant de cette hypothèse que les vignes cultivées, en treille et la lambrusque ou vigne sauvage échapperaient au phylloxera, proposent de rendre aux vignes leur liberté d’allures et de les cultiver en hautains comme le faisaient les Romains ou comme on le fait encore sur quelques points de la Savoie et de L’Italie ; mais d’abord, si les treilles échappent souvent au phylloxera, c’est probablement par des raisons toutes mécaniques ou locales, comme le durcissement du sol au pied de l’arbuste, l’emplacement dans des cours, etc. ; encore est-il certain que la phylloxera peut tuer les treilles. Quant à la lambrusque, outre qu’elle peut être attaquée, elle ne saurait servir d’exemple pour la manière de traiter nos cépages cultivés ; la taille courte est appliquée à ces derniers, j’entends les variétés du midi, pour une foule de raisons telles que la facilité de culture, la nécessité de protéger le sol en été contre la