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en Europe. Il n’est pas besoin pour cela d’établir que tous les cépages américains introduits chez nous ont dû nécessairement nous communiquer l’insecte ; il suffit de constater que, partout où l’insecte s’est montré, c’est au voisinage des ceps américains. Or sur ce point la lumière est faite ; il suffit de rappeler des exemples décisifs. Dans la Gironde, le phylloxera a fait sa première apparition à Floirac, près de Bordeaux, dans le clos de M. Laliman, c’est-à-dire en plein centre de vignes américaines directement importées. Il s’est montré bientôt dans le vignoble contigu de M. le docteur Chaigneau, et progressivement s’est étendu depuis 1868 sur de nombreuses communes de la région dite de l’Entre-deux-mers et même de la rive droite de la Dordogne. En Autriche, il s’est d’abord montré dans la collection de vignes de la station œnologique de Klosterneuburg, près de Vienne, et juste à l’endroit où l’on avait planté des pieds de vignes américaines reçus d’un pépiniériste hanovrien, qui les avait importés directement des États-Unis. Même coïncidence pour le Portugal, où la région d’Oporto, déjà largement envahie, l’a été d’abord dans la paroisse de Gouvinhas, par le vignoble de feu Antonio de Mello Vaz Sampaio, qui reconnaissait avoir introduit, dès 1863 ou 1864, des cépages américains.

Nous ne pouvons rien dire, il est vrai, sur l’origine première des phylloxeras qu’on a vus dans les serres à raisin de l’Angleterre et de l’Irlande ; mais, si l’on réfléchit qu’il s’agit là de cultures confinées dans une région dépourvue de vrais vignobles, si l’on songe combien sont fréquentes dans ces conditions les importations de cépages étrangers, l’on ne doutera guère que des variétés américaines n’aient été introduites dans ces graperies. N’est-ce pas également par des serres à raisin, celles de Margate, près de Londres, que l’oïdium de la vigne fit en 1845 sa première apparition en Europe, et ne sait-on pas que les jardins botaniques, les pépinières, les établissemens horticoles, si précieux pour l’étude des végétaux étrangers, sont comme des portes toujours ouvertes à l’invasion des plantes ou des animaux nuisibles auxquels l’analogie du climat permet de se faire une nouvelle patrie ? Qu’on se tienne donc bien en garde contre l’invasion possible du phylloxera par les plants qu’on demanderait soit à l’Amérique, soit aux vignobles de l’Europe déjà infestés, soit même aux pépinières de tout pays. N’a-t-on pas l’exemple de la Corse, ou l’insecte destructeur s’est introduit dans un vignoble par des plants reçus en 1869 d’une pépinière de Bagnols-sur-Cèze (Gard), c’est-à-dire d’un véritable nid à philloxera ? « Méfiez-vous des cépages d’au-delà des monts rocheux ! écrit aux Californiens M. Riley ; ils pourraient vous apporter la peste pour vos belles vignes, toutes d’origine européennes par conséquent plus sensibles que les