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une délibération du conseil municipal en date du 20 décembre 1867 accorda courtoisement aux usiniers une réduction d’environ moitié sur les taxes dont les combustibles étaient frappés. On attendait une loi promise et destinée à mettre fin à un provisoire qui créait une situation irrégulière ; mais des difficultés soulevées par les usiniers eux-mêmes la firent ajourner, et cette question très délicate, propre à faire naître des discussions fréquentes, fut réglée par un arrêté préfectoral du 3 février 1870 ; l’entrée en franchise du combustible et des matières premières était accordée aux usiniers. C’était imposer un surcroît de travail excessif à l’octroi, qui l’accepta sans se plaindre. En effet, il fallait, pour sauvegarder les intérêts financiers de la ville, constater l’entrée de la houille et des matériaux, constater dans quelle proportion le combustible avait servi à la fabrication d’objets réservés à l’importation dans Paris et à l’exportation en province, taxer les uns, affranchir les autres, surveiller sans témoigner de méfiance, reconnaître les matières premières dans les matières modifiées, et apprécier presque scientifiquement le rapport qui existe entre le combustible employé et la quantité de produits obtenus. L’octroi vint à bout de résoudre ces différens problèmes, mais on ne peut imaginer à quel labeur il fut soumis pour tenir avec une régularité irréprochable une telle masse de comptes minutieux, compliqués et nominatifs, dont chacun pouvait donner lieu à une contestation.

Ces comptes, qui étaient une fortune, car ils faisaient foi et prouvaient quelle somme les personnes jouissant de la faculté d’entrepôts fictifs devaient à la ville, furent détruits dans les incendies du mois de mai 1871. Les bureaux administratifs de l’octroi, l’Hôtel de Ville, le ministère des finances, ayant été brûlés, nulle trace ne subsistait ; on se trouvait en face du chaos, on sut le débrouiller. Plusieurs grands fabricans dont l’octroi était créancier vinrent eux-mêmes offrir le paiement immédiat de leurs dettes ; d’autres, comme l’on dit, se firent un peu tirer l’oreille ; quelques-uns, spéculant sur l’anéantissement de tous les registres de l’administration centrale, osèrent-ils répondre : Je ne vous dois rien, car il n’y a rien d’écrit ? Je ne me permettrais pas de l’affirmer ; j’ai entendu raconter quelques histoires de cette nature, mais ma mémoire infidèle n’en a point conservé le détail. — Il fallait, coûte que coûte, rétablir ces comptes ; une délibération du conseil municipal, du 30 mars et du 23 juillet 1872, donna une base positive de travail de reconstitution ; il fut admis que l’on aurait égard aux événemens qui avaient si lourdement pesé sur l’industrie parisienne pendant les années 1870, 1871, et que l’on ne réclamerait aux usiniers que douze mois d’arriéré au lieu de vingt-quatre.