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rano pour s’assurer de son concours. Serrano, en refusant de prendre la direction militaire du mouvement, avait fort bien accepté néanmoins la première place dans le gouvernement qui se formerait, s’il y avait un nouveau gouvernement. Une fois fixé sur ce point, Pavia n’hésitait plus. Aussitôt qu’il apprenait le vote qui renversait M. Castelar, il se rendait avec des troupes sûres et quelques canons devant le palais législatif. Sans plus de retard, il envoyait un de ses aides-de-camp porter au président Salmeron et à l’assemblée l’ordre de se retirer, et comme l’injonction paraissait exorbitante, comme on semblait ne point obéir assez vite, deux compagnies de garde civile faisaient leur entrée dans la salle, tandis que quelques coups de feu tirés en l’air retentissaient au dehors. Alors la débandade a été complète, la représentation nationale s’est sauvée de tous côtés sans autre résistance. Vers sept heures du matin, tout était fini, l’assemblée constituante de la république fédérale avait vécu. Le général Pavia avait pris ses mesures pour rester maître de Madrid en faisant occuper les points stratégiques de la ville et les postes essentiels, le ministère de l’intérieur, les télégraphes, les gares de chemins de fer.

Quel était le sens de ce mouvement ? qu’allait-on faire ? Le général Pavia, à peine sûr de sa victoire, se hâtait de réunir les principaux hommes politiques des diverses opinions plus ou moins conservatrices, pour leur dire qu’il n’avait nullement agi dans un intérêt de parti en dissolvant les cortès, que son unique but avait été d’empêcher la dissolution de l’Espagne, qui allait être précipitée par le vote de la nuit, que c’était à eux maintenant de faire un gouvernement. On s’est mis à l’œuvre en effet, et on a créé, non sans peine, un gouvernement où, sous la présidence du général Serrano, sont réunis des hommes de toutes couleurs, l’amiral Topete, le général Zabala, d’anciens ministres du roi Amédée, M. Sagasta, M. Martos, et même un républicain unitaire, M. Garcia Ruiz, rédacteur du journal el Pueblo, qui est aujourd’hui ministre de l’intérieur. Les alphonsistes, M. Canovas del Castillo, M. Elduayen, qui avaient été convoqués comme les autres, se sont seuls retirés pour ne pas adhérer à la république, qui reste provisoirement l’étiquette officielle du pouvoir nouveau.

Madrid, il faut l’avouer, a éprouvé plus de soulagement que de trouble en voyant s’évanouir ce monde agitateur des intransigens ; pas un coup de fusil n’a été tiré. Il restait à savoir quel accueil cette révolution allait trouver dans les provinces. Quant à l’armée, il n’y avait guère de doute : les adhésions sont venues aussitôt de tous les côtés, même du général Moriones, dont on n’a pas pourtant de nouvelles bien décisives, qui paraît toujours occupé à s’embarquer ou à débarquer sur les côtes de Biscaye, sans rechercher beaucoup les carlistes. Dans certaines villes, à Saragosse, à Valladolid, il y a eu des tentatives de résistance vigoureusement et promptement réprimées. À Barcelone, la lutte a été plus