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lonner cette paresse calculée des récalcitrans de la commission constitutionnelle en montrant la nécessité d’en finir. Il a parlé en homme prévoyant, car ce n’est que par cette organisation définitive vainement attendue jusqu’ici qu’on peut sauvegarder cet intérêt conservateur et cet intérêt parlementaire qu’on invoque sans cesse.

L’Académie française est entrée l’autre jour en rivalité avec l’assemblée de Versailles, opposant une fête littéraire aux bruyantes scènes de la politique. M. de Loménie a été reçu en cérémonie par M. Jules Sandeau, et l’un et l’autre ont parlé d’un homme qui a été l’honneur des lettres contemporaines, qui a eu la triste fortune d’aller mourir, au milieu de nos désastres de 1870, loin de Paris assiégé, qui ne savait pas même alors ce qu’il venait de perdre : c’est Mérimée, l’auteur de Colomba et de Carmen, esprit fin, ironique, sobre et habile dans le beau langage, caractère droit, un peu replié sur lui-même et parfaitement honorable. M. de Loménie a peut-être la main un peu lourde pour ceux qu’il veut louer, et il est obligé de faire d’assez longs détours pour arriver à son but. Son discours n’est pas moins substantiel et intéressant. M. Jules Sandeau a reçu M. de Loménie avec toute la grâce de l’esprit, la finesse d’une ironie sans amertume et le charme d’une parole à la fois spirituelle et pénétrante. D’un discours académique, M. Jules Sandeau a su faire une œuvre achevée d’art et de belle langue française. Tout n’est point perdu, puisqu’il y a toujours des esprits de cette trempe en France, de ces écrivains de race qui continuent et ravivent les plus belles traditions de notre littérature. Les lettres elles-mêmes peuvent être les plus sûres comme les plus brillantes auxiliaires de notre renaissance politique, du rajeunissement de l’ascendant français dans le monde.

S’il est dans nos affaires une question où l’opinion sensée et loyale ait le droit de demander au gouvernement une netteté décisive, parce qu’elle est disposée à le soutenir dans ses résistances à toutes les vaines excitations, c’est cette question des rapports de la France et de l’Italie, que des passions et des fanatismes coupables se plaisent toujours à obscurcir et à compliquer. Une bonne fois il faut en finir de tous ces doutes, qui à la longue fatigueraient les alliances les plus sûres, les plus naturelles, qui n’auraient d’autre résultat que de créer des habitudes de méfiance et de froideur là où il ne peut et ne doit y avoir que la cordialité sincère de deux nations unies par tous les liens de la politique et des traditions. Il ne se peut pas que les intérêts les plus sérieux du pays, la sécurité et la dignité de ses relations restent indéfiniment à la merci d’une équivoque de conduite ou de langage, d’une combinaison parlementaire à Versailles ou d’un agent compromettant à Rome, et qu’au moindre incident on soit sans cesse à se demander si la France et l’Italie sont au moment de quelque inexplicable rupture. Des incidens, il y en a toujours dans les situations fausses, et voilà pourquoi une des pre-