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dée ; cependant elle permit à l’abbé Chappe de s’embarquer sur la flotte qui partait pour l’Amérique, et lui donna même deux astronomes espagnols pour l’accompagner. Chappe se rendit avec ses deux aides à San-José en Californie. L’observation du passage fut couronnée de succès ; mais l’abbé Chappe mourut de la fièvre jaune deux mois après, âgé de quarante et un ans. Le gouvernement anglais se dispensa de demander la permission de l’Espagne pour envoyer une frégate dans les mers du sud. Le célèbre Cook, commandant l’Endeavour, partit pour une destination inconnue, emmenant avec lui l’astronome Green et le naturaliste Solander ; après avoir doublé le cap Horn, il arriva le 13 avril 1769 à l’île de Taïti, et s’y établit avec ses compagnons pour attendre le passage. Le père Hell, le père Sainovics et l’astronome danois Borgreving s’étaient installés à Wardhus, au nord de la Laponie, dès le mois d’octobre 1768. C’est ainsi que tout le monde était à son poste quand le phénomène eut lieu. À Paris, il fut observé par Cassini de Thury, Maraldi, le duc de Chaulnes, Du Séjour, Lalande, Bailly et d’autres astronomes, tandis que Lemonnier et Chabert l’observèrent au château de Saint-Hubert en présence du roi ; mais le temps fut très mauvais ce jour-là, le soleil était beaucoup trop bas, et les observateurs n’étaient point assez préparés à ce genre particulier d’observations ; les instans notés par eux différaient de vingt et de trente secondes.

Quand les astronomes envoyés dans les parages éloignés revinrent de leurs expéditions, qu’on eut entre les mains les résultats obtenus, et qu’on put procéder aux comparaisons, afin d’en déduire la parallaxe du soleil, on vit bien que le phénomène du passage était loin d’offrir la netteté, la simplicité géométrique tant vantée par Halley. Cent quarante-neuf observateurs en avaient noté les diverses phases. Selon la manière dont on essayait de combiner les instans notés, on trouvait des nombres plus ou moins grands pour la parallaxe du soleil. Pingré, Lexell, Dionys du Séjour, le père Hell, Lalande, arrivaient par leurs calculs à des valeurs qui variaient de 8″,9 à 8″,5 ; il fallait donc s’avouer que les erreurs inhérentes aux observations devaient être beaucoup plus considérables qu’on ne s’y était attendu.

C’est qu’en effet le phénomène des contacts se complique d’apparences bizarres qui laissent planer une grande incertitude sur l’instant précis où Vénus entre sur le disque du soleil et sur celui où elle en sort. On voit d’abord le soleil, au point où l’entrée doit avoir lieu, s’échancrer légèrement, puis la brèche augmente, prend la forme d’une tache ronde qui s’avance sur le soleil, et au bout d’un temps qui varie de 15 à 30 minutes ce disque noir, dont le diamètre est quarante fois plus petit que celui du disque solaire, se détache