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de la fin du règne de Henri II à la fin du règne de Henri III, à 4 540 700 000 livres, soit en moyenne 142 millions de livres par année ; mais telle fut dans tous les temps la vitalité de la France et sa merveilleuse aptitude à réparer ses désastres quand par hasard elle est bien gouvernée, que quelques années de paix et de sage administration allaient bientôt reconstituer sa fortune et la replacer au premier rang des puissances européennes.

III.

Henri IV, à qui la ligue, l’Espagne et une partie de la haute noblesse disputaient la couronne, ne pouvait songer, au début de son règne, à réorganiser les finances et à percevoir des revenus réguliers. Plus riche de confiance que d’argent, il emprunta aux principautés italiennes, à l’échevinage de Strasbourg, à la Hollande, à la reine d’Angleterre, aux protestans, aux catholiques, à ses maîtresses, aux bourgeois qui s’étaient ralliés à sa cause ; il leur donna, comme garantie de leurs créances, la plupart des impôts, les chargeant du recouvrement au fur et à mesure que les provinces reconnaîtraient son autorité. Ce qui n’était point engagé fut cédé aux ligueurs pour prix de leur soumission. Le royaume n’était pas encore entièrement pacifié que le trésor était vide, et que la dette s’élevait à 348 602 250 livres.

Au mois de novembre 1596, Henri IV commença l’œuvre de réorganisation en convoquant à Rouen une assemblée de notables auxquels il demanda de voter les subsides qui lui étaient nécessaires pour vaincre les dernières résistances de la ligue, et terminer par un coup décisif la guerre avec l’Espagne. Il voulait, disait-il, laisser à l’assemblée la « disposition absolue » des mesures qu’elle jugerait propres à faire « un fonds certain » pour les dépenses de l’état et le soulagement du peuple, surtout des plus pauvres, « qu’il aimait comme ses plus chers enfans. » Les notables votèrent d’importans subsides[1], et, comme le roi leur avait parlé de l’affection qu’il portait à son peuple, ils lui parlèrent à leur tour des garanties que le peuple, en témoignage de cette affection, attendait du roi. Conformément à la tradition nationale que les députés des trois

  1. Soit pour trois ans la levée d’un sou pour livre sur les marchandises ou les diverses denrées à l’exception des blés, et une augmentation de 13 deniers par minot de sel ; ils autorisèrent en outre le gouvernement à créer des offices triennaux dans les finances, à émettre un emprunt de 1 200 000 livres, et à faire la recherche des financiers, c’est-à-dire à vérifier la gestion de tous ceux qui avaient pris part au maniement des deniers publics, en les forçant à restituer les sommes indûment perçues.