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ment. Le taillon ajouta aux tailles ordinaires un tribut annuel de 1 200 000 livres ; le clergé fut imposé au dixième de ses revenus en vertu du concordat de 1516. Les droits d’importation, qui n’avaient atteint jusque-là que les draps d’or et de soie tirés de l’Italie, furent étendus à la plupart des marchandises de provenance étrangère. L’insinuation ou contrôle des actes vint frapper d’un nouveau droit les mutations et les successions, déjà soumises au quint, requint, lods et ventes ; la gabelle du sel fut portée à 45 livres par muid, et la taille, après s’être élevée en quelques années à 9 millions, atteignit 16 millions à la fin du règne, soit près de dix fois plus que sous Charles VII[1].

Cette rapide progression des impôts directs et indirects ne s’explique pas seulement par les frais de guerre, par les 2 millions d’écus d’or payés pour la rançon du vaincu de Pavie, elle s’explique aussi par la décadence de la noblesse terrienne, qui abandonnait ses vieilles forteresses féodales pour venir mendier au Louvre les honneurs et la fortune, — par l’avénement des maîtresses officielles, la royale manie de bâtir, le luxe païen de la renaissance, les faveurs et les pensions prodiguées aux courtisans, le mépris du roi pour toutes les garanties administratives, et les charges nouvelles qu’imposaient au budget des prodigalités qui n’avaient d’autres limites que les caprices du maître ou la cupidité de son entourage. Ce gouvernement rappela par ses exactions les violences fiscales de Philippe le Bel. La vénalité, restreinte jusqu’alors à un petit nombre d’emplois publics, fut étendue à tous les services administratifs. On créa une foule de fonctions inutiles, uniquement pour les vendre[2] et, de même que le crime de lèse-majesté divine avait servi de prétexte pour dépouiller les templiers, de même le crime de lèse-majesté royale servit de prétexte pour dépouiller le connétable de Bourbon, Semblançay, Chabot et Poyet. Les confiscations, les millions de la taille, le dixième du clergé, la vente des offices, ne suffisaient pas encore à combler le déficit, il fallut recourir à des moyens nouveaux ; la loterie fut tendue comme un piége à l’argent qui échappait au fisc, et le 27 septembre 1522 François Ier ouvrit le grand-livre de la dette publique en créant pour la première fois des rentes sur l’Hôtel de Ville de Paris.

  1. Il faut tenir compte, en ce qui touche cette progression, de l’avilissement que la valeur de l’or et de l’argent avait subi en raison de leur abondance même par suite de la découverte de l’Amérique, mais il est évident que la dépréciation des métaux précieux resta bien au-dessous de l’augmentation des impôts. Voyez, sur la dépréciation de ces métaux au xvie siècle, l’ordonnance de janvier 1508 (Auger, Traité des tailles).
  2. Voyez, sur les augmentations d’impôts et la vénalité sous François Ier, le Journal d’un Bourgeois de Paris. En 1524, on créa vingt charges de conseillers au parlement de Paris, vingt charges de commis au Châtelet, quarante charges de notaires, etc.