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réunies au domaine de la couronne se refusaient à payer d’autres charges que celles auxquelles elles étaient soumises avant leur annexion. Les communes invoquaient les franchises que la couronne elle-même leur avait octroyées ou confirmées, et c’est à travers ces complications que la royauté capétienne entreprit pour les finances le même travail centralisateur et unitaire que pour l’administration, l’armée et la justice, travail immense qu’elle devait poursuivre pendant six siècles et laisser inachevé.

II.

Le premier impôt général et public levé sous la troisième race date de 1149. Décrété par Louis VII et autorisé par le pape à l’occasion de la deuxième croisade, il se produit sous le nom de vingtième, comme taxe proportionnelle sur le revenu, et cesse avec l’expédition aux dépenses de laquelle il était affecté. Quarante ans plus tard, Philippe-Auguste perçoit dans tout le royaume, sur tous ses sujets, sans distinction de classe, un nouveau subside, connu sous le nom de dîme saladine. Les peuples murmurent, mais ils paient, car le vingtième et la dîme sont sanctifiés par leur destination, et la ferveur religieuse prépare ainsi les voies à la fiscalité monarchique. Après avoir demandé des aides extraordinaires au nom de la religion, Philippe-Auguste, en 1191, en demande au nom de la politique. Les impôts du royaume tendent à se reconstituer. Dès la seconde moitié du xiiie siècle, le droit qui depuis Hugues Capet régissait la monarchie en matière de contributions publiques est modifié par saint Louis, et les innovations introduites par ce prince portent tout à la fois sur l’église, la féodalité et les communes. Elles portent sur l’église, car les papes prétendaient lever à leur profit des subsides sur la population laïque du royaume. Saint Louis combat énergiquement cette prétention : il ne veut pas, suivant le mot d’un vieil historien, que l’argent de la France s’en aille en pèlerinage à Rome, et, le premier parmi les princes de sa race, il oppose le droit national à la fiscalité cosmopolite du saint-siége[1]. Elles portent sur la féodalité, car les seigneurs, en soumettant les vilains aux exactions les plus violentes, les plus contraires même à l’usage des fiefs, absorbaient les ressources contributives du pays, qu’ils appliquaient à leurs dépenses privées, et saint Louis veut que les redevances féodales profitent à ceux qui les paient,

  1. Il n’est pas besoin de rappeler qu’il s’agit ici de la défense que fit saint Louis à Innocent IV de faire contribuer la France aux frais de la lutte que ce pape soutenait contre l’empereur d’Allemagne.