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ce soit une ville, l’état ou un particulier, nomme le maire, le juge et l’instituteur. Aucun lien ne réunit donc les habitans de ces pauvres villages ; ils n’ont point d’intérêts à débattre, de devoirs à remplir en commun, rien en un mot qui les attache au sol. Il est singulier que les provinces qui sont le berceau de la monarchie prussienne en soient les moins favorisées. L’école y laisse beaucoup à désirer : la gratuité de l’enseignement primaire n’y est point étendue à tous ceux qui en ont besoin ; les instituteurs, mal rétribués, se recrutent plus difficilement que dans le reste de la Prusse. Dans l’Allemagne occidentale, beaucoup de villes importantes, les petites capitales, offrent mille ressources pour l’étude ; au-delà de l’Oder, il n’y a qu’une université, celle de Kœnigsberg ; Bromberg, qui en a demandé une il y a plusieurs mois, n’a pu l’obtenir : il est vrai que le ministre de l’instruction publique a donné cette raison sans réplique, qu’il manque de professeurs. Le pays n’est pas non plus bien pourvu de voies de communication. Frédéric le Grand a montré que la construction de canaux, rendue facile par la nature du terrain et par la quantité d’eau qu’on y trouve, était le meilleur moyen de vivifier l’exploitation agricole de ces contrées ; mais depuis un siècle on a oublié l’exemple de Frédéric. Dans les projets de créations nouvelles de chemins de fer, l’est n’a point sa part. À l’exception d’un tronçon du chemin de l’est, la province de Posen n’a pas de chemins de fer de l’état, et ses compagnies privées ne reçoivent aucun subside. 120 millions de thalers vont être dépensés dans les pays les plus riches de la monarchie, qui ont seulement besoin de raccorder les lignes nombreuses qui les traversent, et l’on n’a point destiné un groschen à la malheureuse province qui possède en tout un réseau de 52 milles pour une superficie de 532 milles carrés. Pourtant la nécessité de nouvelles voies s’y fait si bien sentir que l’on a souscrit avec empressement à toutes les entreprises qui ont été annoncées, sans regarder d’assez près à l’honnêteté des entrepreneurs, et le brigandage financier, qui depuis quelques années se déchaîne dans toute l’Allemagne, a fait beaucoup de victimes dans les provinces orientales. Enfin jusqu’à ces derniers temps la frontière était mal armée du côté de la Russie : on y va construire une double rangée de forteresses de premier ordre. Les patriotes sont rassurés, mais leur orgueil n’est pas satisfait : ils voudraient que la partie de l’Allemagne qui confine au grand empire slave fût toute pénétrée de culture allemande, riche et forte, au lieu d’être abandonnée au régime d’institutions mauvaises qui l’appauvrissent et la dépeuplent.

On est naturellement amené à comparer une situation si malheureuse avec celle des pays de l’ouest. Le contraste est complet. La province rhénane est régie par le code Napoléon, et le partage