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L’ÉMIGRATION ALLEMANDE




I. Ueber Auswanderung, von Fried. Kapp, Berlin 1871. — II. Vorschläge zur Beseitigung der Massen-Auswanderung, von H. v. H., Berlin 1873. — III. Die deutsche Auswanderung, von Nessmann, Leipzig 1873 (Extrait des Annales de l’empire de M. G. Hirth).



La statistique de l’émigration allemande, publiée au début de l’année qui vient de finir, constate qu’on n’a jamais autant émigré d’Allemagne qu’en 1872. De Brème et de Hambourg sont parties 154 824 personnes ; mais on a calculé que les chiffres relevés sur les registres de ces deux villes ne représentent que 70 pour 100 de l’émigration totale, car on s’embarque aussi dans d’autres ports d’Allemagne, et les déserteurs de la réserve et de la landwehr prennent la voie de l’étranger : 215 000 personnes environ se sont donc expatriées dans le cours de 1872. Le mouvement ne paraît point s’être ralenti en 1873 ; du moins M. Nessmann, chef du bureau de statistique à Hambourg, affirme qu’au bout des six premiers mois le chiffre de la période correspondante en 1872 était dépassé. La guerre la plus terrible, le fléau le plus meurtrier n’enlèverait donc pas à l’Allemagne autant d’hommes que fait l’émigration. Aussi les Allemands se préoccupent et s’inquiètent des progrès constans du mal : ils calculent ce qu’il coûte à leur pays, ils cherchent à en pénétrer les causes et à découvrir les remèdes.

L’émigration coûte très cher à l’Allemagne, d’où elle enlève chaque année un capital considérable. D’abord chaque émigrant emporte avec lui en argent, vêtemens et outils une certaine valeur. D’une enquête faite à New-York en 1856 sur l’état de fortune de plus de 100 000 arrivans, il est résulté que chacun d’eux apportait en moyenne 100 thalers (375 francs) ; encore la plupart, se voyant soumis à cet interrogatoire, avaient cru qu’il cachait quelque arrière-pensée fiscale et s’étaient faits plus pauvres qu’ils n’étaient. M. Kapp, ancien commissaire de l’émigration à New-York, raconte qu’un jour pendant cette enquête il vit un paysan qui avait toute