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lieu la pose de la première pierre qui marquait le moment où devait courir le délai de six années accordé pour la construction de la ligne. Depuis cette époque, le temps n’a pas été perdu ; de 8 000 à 12 000 travailleurs, Chiliens ou Chinois pour le plus grand nombre, sont occupés nuit et jour au percement de cette voie, dont plus d’un tiers est déjà livré à la circulation. Les terrassemens sont achevés d’un point extrême à l’autre et prêts à recevoir les rails ; l’établissement des ponts, le percement des tunnels dans la partie intermédiaire, qui sont l’œuvre capitale du tracé, sont commencés sur plusieurs points, et l’on peut espérer que le 21 juillet 1876 le Pérou pourra célébrer le cinquante-troisième anniversaire de son indépendance par l’inauguration de ce chemin de fer.

La ligne commence au Callao, et n’offre rien de remarquable dans sa première section jusqu’à Lima. C’est un espace de 10 kilomètres environ que l’on franchit dans les conditions normales d’un chemin de fer ordinaire. Depuis Lima jusqu’à San-Pedro-Maura, on remonte la rive gauche de la rivière et on s’élève insensiblement en se soumettant aux exigences du terrain ; la vallée est large d’ailleurs et fort bien cultivée. Jusque-là, la pente n’a pas dépassé 2 1/2 pour 100 ; mais depuis San-Pedro-Maura l’inclinaison de la vallée est telle qu’elle exige déjà la pente maximum de 4 pour 100, ou seulement de 3 pour 100 dans les courbes, dont le rayon ne peut être moindre de 120 mètres. On arrive ainsi jusqu’à Coca-Chacras sans remarquer autre chose que les chacras et haciendas situées à droite et à gauche dans la vallée, deux ou trois misérables villages, et plus loin, de chaque côté, les crêtes désolées des montagnes adjacentes. À San-Bartholomé, station située un peu plus haut, la vallée est devenue tellement étroite qu’il n’y a plus guère place que pour le lit de la rivière et quelques terrains formés d’alluvion. Tandis que les nombreux convois de mulets et de lamas suivent sur la droite l’étroit sentier pratiqué sur les flancs mêmes de la montagne, le train, revenant sur ses pas, escalade les pentes de la rive gauche et arrive par un détour à la station de Huco, située à 10 kilomètres plus loin. Le Rio-Rimac présente en effet en cet endroit une pente bien supérieure à 4 pour 100, et si l’on eût persisté à en suivre le cours, la voie se fût inévitablement noyée dans la rivière sans qu’il fût possible d’utiliser plus loin les collines latérales. C’est dans ce même trajet que l’on rencontre les premiers travaux d’art : d’énormes tranchées, dont l’une ne mesure pas moins de 30 mètres de profondeur, de nombreux murs de soutien rendus nécessaires par l’escarpement des pentes, plusieurs tunnels, surtout le fameux viaduc de Verrugas, le plus haut qui existe au monde, puisqu’il mesure sur une longueur de 175 mètres une hauteur de 90 au centre. Il repose sur trois piliers verticaux de 50, 55 et 70 mètres d’éléva-