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la vallée de Huacho, dans celle de Chancay, la canne pousse avec une vigueur dont la végétation des Antilles donne à peine une idée. Coupée après dix-huit mois ou deux ans, elle rend au bout du même temps une seconde récolte presque aussi riche que la première ; dans certains terrains, elle peut fournir jusqu’à huit ou dix récoltes et même davantage, sans qu’une nouvelle plantation soit jugée nécessaire. On admet qu’une fanegada, qui contient environ 3 hectares, donne une récolte estimée à 4 000 ou 5 000 piastres, c’est-à-dire de 16 000 à 20 000 francs. La coupe ayant lieu au plus long terme tous les deux ans, on peut fixer le revenu annuel à la somme de 3 000 ou 4 000 francs par hectare ! Il faudrait bien se garder de prendre ce chiffre comme base pour l’estimation de la valeur du sol, car c’est bien plus dans la valeur de la plantation que dans celle de la terre elle-même que réside cet énorme revenu. C’est au nord du Pérou surtout, dans le département de Libertad, que l’industrie de la canne s’est le plus développée : on parle d’une usine nouvellement installée qui fabriquerait jusqu’à 800 quintaux par jour. Sans aller aussi loin, à la porte de Lima, dans la vallée du Rimac, l’hacienda de Candivilhà peut donner 500 quintaux par jour ; celle de Palpa, un peu plus éloignée dans la vallée de Chancay, fabrique journellement de 600 à 700 quintaux. Actuellement le quintal de sucre vaut 28 francs, c’est donc par jour un revenu brut qui varie de 14 000 à 19 000 francs, suivant le rendement de la canne, et, comme la végétation ne subit aucun arrêt, la fabrication n’étant point interrompue, on arrive aux chiffres fabuleux de 3 600 000 fr. et 4 900 000 francs pour 250 jours, qui représentent la moyenne du temps consacré au travail pendant une année. Ce résultat, qui peut paraître exagéré, est par le fait plutôt inférieur à la réalité.

Le riz se cultive avec succès sur tout le littoral, particulièrement dans les provinces de Chiclayo, Lambayeque, Santa, et aux environs de Trujillo. Au contraire la culture du coton, favorisée par un climat exceptionnellement doux et régulier, semble appelée à moins d’avenir, probablement à cause des grands soins qu’elle demande et des risques qu’elle fait courir. On a vu des plantations rendre jusqu’à 3 kilogrammes par pied ; mais l’espèce la plus cultivée, c’est le coton d’Égypte, dont la valeur est à peu près la même (de 90 à 100 francs le quintal) : il ne donne que la moitié du produit que fournit le coton du pays ; on le préfère pourtant, car les risques sont beaucoup moindres, et les soins qu’il exige sont infiniment moins coûteux. Le coton de Sea-Island, qui forme une troisième variété, se cultive aussi avec facilité et a une valeur plus que double de celle des deux autres ; par contre il rend à peine 150 grammes par pied. On se trouve ainsi ramené aux conditions ordinaires de la culture du coton aux Antilles, au Brésil et sur tous les autres points