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breux cours d’eau dont la profondeur, offrant à la navigation une voie facile et sûre, eût permis d’exporter les produits vers l’Europe en débouchant par le bassin de l’Amazone dans l’Océan-Atlantique. Aussi cette contrée est-elle restée jusqu’à nos jours le domaine exclusif des populations sauvages qui l’habitent. L’Amazone même, qui prend sa source dans la sierra, à moins de 30 lieues de Lima, vers le 10e degré de latitude, ne pouvait fournir à sa naissance une voie navigable pour transporter les produits des mines qu’il traverse. Le pays s’est donc trouvé dès le principe privé de ce qui pouvait former son plus clair revenu, — je veux parler de ses forêts, comme aussi des richesses agricoles, dont les plus belles parties gisent enfermées dans les vallées de la Cordillère. On sait que c’est l’agriculture, plus encore que les mines d’or, qui a fait de nos jours la fortune de la Californie.

Il est cependant peu de pays dans le monde où la nature se soit montrée aussi prodigue. La côte, dont l’aspect désolé produit une si désagréable impression sur le voyageur qui arrive au Pérou, la côte elle-même n’est point aussi aride ni aussi déshéritée qu’on pourrait le croire au premier abord : ce sable, en apparence si ennemi de toute végétation, est au contraire une terre vierge qui, sans engrais d’aucune sorte, rend au centuple ce qui lui est confié lorsqu’on peut y conduire un peu d’eau. Cette remarque n’avait point échappé à l’attention des premiers conquérans, et, bien qu’à cette époque la recherche de l’or fût à peu près l’unique préoccupation des esprits, les premières villes qui s’élevèrent sur le littoral furent précisément bâties au débouché des vallées, qui marquaient, il est vrai, la route pour remonter aux mines de la sierra, mais dont les champs, irrigués avec une rare habileté par les travaux des Incas, devaient suffire pour alimenter cette population nouvelle, que le commerce maritime mettait à l’abri des autres besoins de la vie, — villes de boue sans doute qu’une pluie ferait fondre et qu’un orage emporterait, mais qu’un climat exceptionnel met à l’abri de ces dangers, car il ne pleut jamais sur cette côte, où le froid comme le chaud sont également inconnus. Telle est la situation de Lima et de son port, le Callao, qui semble appelé dans un avenir prochain à prendre une bien plus grande importance.

Au point de vue agricole, la côte fournit abondamment le riz, le coton, la canne à sucre. Cette dernière industrie surtout a pris depuis quelques années un développement considérable qui va s’augmentant chaque jour. Depuis mon arrivée au Pérou, j’ai eu l’occasion de visiter quelques-unes des haciendas où l’exploitation de la canne se pratique sur la plus grande échelle, et j’ai pu constater les résultats obtenus spécialement dans le département de Lima. Au sud dans la vallée de Cañete, dans celle de Lurin, au nord dans