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divise en deux parties fort inégales. Du côté qui regarde le Pacifique règne sur une faible largeur une région sablonneuse, coupée à intervalles assez rares par des vallées plus ou moins cultivées et n’offrant dans son ensemble qu’un pays aride, voilé les trois quarts de l’année par un épais brouillard. Il semble que la nature, imitant en cela les soins jaloux d’un avare, ait semé la désolation sur cette contrée pour dérober à la cupidité humaine les incomparables richesses qu’elle renferme. De l’autre côté de la Cordillère au contraire se déploie dans toute sa beauté l’admirable bassin de l’Amazone avec les grands affluens qui l’arrosent. Tandis que vers le Pacifique les rares cours d’eau encaissés entre les parois des montagnes roulent une eau torrentielle qui les rend impropres à la navigation, à l’est les tributaires de l’Amazone, l’Ucayali, et plus haut le Rio Tambo et l’Apurimac, grossis eux-mêmes de nombreux affluens et débarrassés dès le 11e degré des bas-fonds ou des rochers qui encombraient ou resserraient leur lit, roulent à travers des forêts immenses leurs eaux limpides et profondes.

Entre ces deux régions si différentes d’aspect se dresse, avec ses crêtes dentelées, ses volcans et ses sommets neigeux, dont quelques-uns atteignent 6 700 mètres d’élévation, la chaîne des Andes, tantôt unique et présentant à son sommet une suite de plaines accidentées couvertes de maigres pâturages, tantôt se dédoublant en plusieurs chaînes parallèles et formant des vallées profondes, prodigieusement fertiles, entre lesquelles s’écoulent, en remontant vers le nord, l’Amazone et son affluent le Rio Huallaga, puis en descendant vers le sud jusqu’au lac de Titicaca, des cours d’eau de moindre importance qui arrosent les hauts plateaux. En résumé, si l’on avance vers l’intérieur en partant du Pacifique, on parcourt à vol d’oiseau de 10 à 30 lieues dans cette plaine nue que baigne l’Océan et qu’on appelle la côte, puis on rencontre la chaîne parallèle des Andes avec ses plateaux et ses vallées, désignée sous le nom de la sierra, enfin la montaña, c’est-à-dire cette région élevée, montagneuse et boisée qui incline vers l’est et regarde la frontière du Brésil.

On comprend tout de suite les inconvéniens qui résultent à plus d’un point de vue d’une semblable situation géographique : la mer étant la route par laquelle arriva la conquête espagnole, le littoral était naturellement le point d’appui des premiers établissemens, et cette partie du pays est précisément la moins favorisée sous le rapport topographique. Les rivières ne sont que des torrens dont les eaux seules peuvent être utilisées pour l’irrigation des vallées. La double chaîne des Andes, dont les hautes cimes s’abaissent rarement à moins de 3 000 mètres, formait une barrière difficile à franchir pour gagner les riches contrées de l’intérieur, arrosées par de nom-