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l’épître de la Quinquagésime ; regardez-y en vous inclinant avec foi devant le verset 9 et sa garniture de diamant[1]. Entre vos désirs, vos exigences intellectuelles et la véritable réalité des choses il y a un abîme que l’amour seul peut combler. L’amour produit nécessairement la haine du monde, de même que sous la voûte du ciel l’action de la chaleur sur le froid produit la décomposition de l’atmosphère ; mais l’amour triomphe en toute certitude et en toute vérité. La proposition  si rebattue, à savoir que la victoire appartient à la vérité, est foncièrement fausse. La vérité ne triomphe et ne peut triompher que par l’amour du Christ, l’amour du Verbe fait homme.

« Frédéric-Guillaume. »

Est-ce seulement pour amener cette lettre et l’encadrer comme il convient que nous nous sommes transportés un instant de Londres à Saint-Pétersbourg, c’est-à-dire au foyer même de ceux qui étaient alors nos ennemis ? Non certes ; nous avons des visées plus hautes. Notre dessein est de montrer, par un exemple mémorable, combien l’esprit général de la société russe s’est transformé depuis la fin du xviiie siècle. Puisse-t-il accomplir encore de nouveaux progrès ! Puissent toutes les ombres disparaître entre la Russie et la France ! Il est facile de prévoir que des intérêts communs uniront un jour ces deux grandes nations ; préparons-nous donc à connaître et à aimer les hommes dont Mme de Staël disait déjà en 1812 : « Je n’ai rien vu de barbare dans ce peuple ; au contraire ses formes ont quelque chose d’élégant et de doux qu’on ne retrouve point ailleurs[2]. »

V.

Nous avons interrogé toutes les lettres adressées à M. de Bunsen par Frédéric-Guillaume IV, du moins toutes les lettres relatives à de grandes questions politiques. Il est temps de mettre fin à ce travail ; nous laissons de côté la partie de la correspondance qui se rapporte aux affaires de l’église évangélique en Prusse. C’est un su-

  1. Le texte dont il s’agit est tiré de la première épître de saint Paul aux Corinthiens, chapitre xiii. — Le verset 9 est ainsi conçu : « Tout ce que nous avons de science et de prophétie est bien imparfait. » La garniture de diamant, ce sont les sublimes pensées de saint Paul qui encadrent et éclairent les paroles ci-dessus. Le roi fait allusion surtout à ce passage : « nous ne voyons maintenant Dieu que comme en un miroir, mais alors nous le verrons face à face. Je ne connais maintenant Dieu qu’imparfaitement, mais alors je le connaîtrai comme je suis connu de lui. » — La pensée du roi est très obscure, et ces notes ne la rendront pas plus intelligible ; nous devions cependant, après avoir traduit aussi fidèlement que possible les termes de sa lettre, citer les passages des livres saints auxquels il renvoie M. de Bunsen.
  2. Mme de Staël, Dix années d’exil, chap. XII.