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peut plus nous surprendre, c’est la haine qu’il a pour la France, et qu’il exprime en paroles si peu royales : l’inceste de l’Angleterre et de la France ! C’est un roi allemand qui parle ainsi à l’heure où la France et l’Angleterre s’unissent pour protéger l’indépendance de l’Europe :

« 9 janvier 1854.

« Si je rends des services à la Grande-Bretagne dans les complications présentes, le prix de ces services, la condition sine qua non, c’est le rétablissement de mon autorité et de mes titres légitimes dans ma chère, dans ma fidèle petite principauté du Jura, aujourd’hui foulée aux pieds des impies.

« Je ne sais rien, absolument rien, de négociations avec deux puissances ; même, à parler exactement, je ne sais rien de négociations avec l’Angleterre, car je n’attends rien de l’Angleterre qu’une réponse à ma question : l’Angleterre est-elle disposée à me garantir l’intégrité des frontières de la confédération germanique, je dis les frontières de toute la confédération germanique, celles de la Prusse comme les autres ? Le veut-elle ? le fera-t-elle ? peut-elle le faire ? Si l’Angleterre n’est pas claire et précise dans sa réponse, j’adresserai cette question à la Russie, et si la Russie non plus ne me répond pas clairement, j’invoquerai Dieu, je le prierai de me rendre fort, et alors ce sera le cas de dire : le glaive de Dieu et Gédéon ! ou mieux encore : la volonté de Dieu soit faite !

« Vous me dites qu’il n’y aurait pas un ministre anglais qui voulût prendre sous sa responsabilité la restauration de Neufchatel. C’est possible, mais n’oubliez pas ceci : il n’y a pas un seul roi de Prusse qui ne fît de la restauration de Neufchatel la conditio sine qua non de ses services.

« Les choses, depuis votre lettre, ont pris une tournure de plus en plus sérieuse, particulièrement pour la Prusse. Il y a eu samedi dernier huit jours, M. de Budberg m’apporta une lettre de son empereur qui m’invite de la façon la plus pressante à conclure sous ses auspices un traité de neutralité avec l’Autriche. J’ai exposé de vive voix d’abord et bientôt par écrit que j’étais lié d’honneur envers l’Angleterre, dont j’attends la réponse à mes questions et à qui j’ai promis de ne prendre aucun engagement avant cette réponse. Pendant ce temps-là, Orlof se rendit à Vienne, et, sans qu’il y ait eu à ce sujet aucun pourparler entre Vienne et nous, il essuya un refus. J’ai envoyé à Vienne, à mon impérial neveu, la lettre de Nicolas, accompagnée de ma réponse, et je l’ai invité à se concerter avec moi pour une action commune, mais sans traité, car notre fidélité allemande à la confédération, les intérêts et les dangers qui nous sont communs, nous prescrivent d’une manière assez impérieuse les voies que nous devons suivre. Représentez-vous donc ma sur-