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dynastie tout entière de l’empereur a été frappée de déchéance à perpétuité. « Eh bien ! dit-il, qu’à cela ne tienne ; seulement attachons-nous d’autant plus à l’idée d’une quadruple alliance. » Mais c’est le roi lui-même qu’il faut laisser parler ; si nous nous bornions à résumer ses lettres, le lecteur ne saurait pas jusqu’où peuvent aller ces hallucinations de la peur et de la haine, ni dans quel langage il les exprime.

« 17 novembre 1852.

« Le fait seul que, sur l’appel de la Grande-Bretagne, les puissances du confinent auraient des conférences à Londres en ce moment est absolument inappréciable. Comme je vous l’ai dit et écrit si souvent, s’il y a un moyen de maintenir à l’égard de la France révolutionnaire une paix honorable et glorieuse, ce ne peut être que par l’union des quatre puissances et par l’effet que cette union doit nécessairement produire sur les souverains de la France, quels qu’ils puissent être… Je compte donc avant tout sur l’impression que cette nouvelle doit produire à Paris ; nous en avons besoin, de cette impression-là, beaucoup plus besoin que ne le sait peut-être le gouvernement souvent très mal informé de la reine. Nous savons, nous, — et vous pouvez bien n’en faire mystère ni à la reine ni à ses ministres, — nous savons que Louis-Napoléon a des engagemens avec les chefs des partis révolutionnaires athées dans toute l’Europe. Mazzini, Kossuth et les autres étaient cachés à Paris ou dans les environs. Un signe de l’homme qui est la révolution incarnée mettra le feu à la Pologne, à la Hongrie, à l’Italie, à l’Allemagne du sud, à la Belgique, Alors Buonaparte interviendra dans les pays voisins de ses frontières comme empereur de la paix ! ! ! et garant du droit de tous les peuples[1]. Les adresses pour demandes d’incorporation à la France sont déjà rédigées dans le Palatinat, dans nos contrées du Rhin, en Belgique, déjà même elles sont expédiées en partie (écoutez ! écoutez !)[2]. Or il sait compter, il n’ignore pas qu’il peut mettre plus de vaisseaux sur mer que la vieille Angleterre. Si aujourd’hui, par notre union, par notre langage unanime, nous l’obligeons à demeurer en repos, sa machine rate, si bien montée qu’elle soit. Les conséquences en peuvent être très grandes et très salutaires à notre égard. Cette immobilité forcée, au fond très avantageuse pour lui, deviendra bientôt ridicule par suite des misères de la cour impériale, et le ridicule tue en France. — La reconnaissance de son chiffre III est pour nous quatre une impossibilité morale. Lorsque je n’avais encore aucun espoir de notre

  1. Ces mots sont en français dans le texte. C’est aussi d’après le texte que nous reproduisons les trois points d’exclamation.
  2. C’est la forme en usage, soit dans les chambres anglaises, soit dans les comptes-rendus des séances, pour souligner une déclaration importante et la signaler plus vivement à l’attention publique. Le roi écrivant à son ambassadeur enAngleterre souligne sa pensée à l’anglaise.