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tement la première condition d’une sécurité durable. Que lui offre-t-on au contraire ? Une politique qui, sous une apparence de fermeté, hésite à faire un choix, qui n’est pas arrivée à trouver son équilibre entre toutes ces combinaisons intimes, ces tendances exclusives, dont elle est l’expression, — et une omnipotence parlementaire qui, en se prolongeant, finit par créer la situation la plus extraordinaire, la plus incompatible par conséquent avec l’idée d’une stabilité régularisée.

Voilà la contradiction sur laquelle les esprits prévoyans de la chambre devraient réfléchir. Il est évident que cette assemblée souveraine, qui a eu sa raison d’être, qui a rendu de grands et douloureux services à la France, finit par éprouver tous les embarras de l’omnipotence au milieu de la division des partis, dans des conditions qui se sont renouvelées autour d’elle. Il en résulte ce que nous voyons. Que l’assemblée ait à nommer cette commission des trente chargée de préparer les lois constitutionnelles, elle est réduite à multiplier les scrutins à l’infini pour arriver à un résultat, et la commission, une fois nommée, se met à recommencer l’histoire de la commission des trente de l’année dernière ; elle perd un peu son temps à discuter pour savoir si elle doit nommer des sous-commissions d’étude, comment elle pourra retarder la loi sur l’organisation des pouvoirs publics. Que l’assemblée ait à examiner la situation financière, elle s’y arrête à peine. Certes c’est là un des sujets les plus graves, lorsqu’il s’agit d’imposer au pays plus de 150 millions de contributions nouvelles ; mais il faut se hâter, il faut voter le budget au plus vite, avant la fin de l’année, pour éviter les douzièmes provisoires. Qu’en faut-il conclure ? C’est que l’assemblée elle-même doit sentir la nécessité d’arriver à inaugurer un régime définitif, qui seul peut donner au pays ce qu’il demande, la paix sous des pouvoirs précis et réguliers.

Voilà donc, au milieu de toutes les incertitudes d’une politique qui pourrait être quelquefois mieux inspirée pour le bien et la reconstitution du pays, voilà donc ce drame judiciaire de Trianon qui vient de se clore, triste et lugubre épilogue de la grande tragédie nationale de 1870. L’œuvre du tribunal militaire est accomplie, et le dernier mot est une sentence de dégradation et de mort prononcée contre celui qui fut le maréchal Bazaine, le commandant de l’armée du Rhin, qui n’est plus aujourd’hui que le condamné de Trianon,

Certes tout se réunissait pour relever ce drame, pour exciter les émotions les plus diverses et les plus poignantes, — la position de l’accusé, les épreuves infligées à cette armée de 150,000 hommes dont il fut le chef, les souvenirs de luttes héroïques si douloureusement dénouées, l’immensité de la catastrophe, le nom même et l’image de cette ville de Metz parlant à tous les esprits et à tous les cœurs ! Deux mois durant,