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La vérité est qu’il y a aujourd’hui deux politiques. Il y a celle-là, qui consiste précisément à ne voir dans la septennalité qu’une combinaison de circonstance, une fiction complaisante, à l’abri de laquelle on se réserve de préparer une revanche des derniers échecs monarchiques, et on ne s’aperçoit pas que ces idées, qui se déploient quelquefois assez naïvement, supposent ou l’indignité du maréchal de Mac-Mahon, qui se ferait le complice de ces subterfuges, ou l’indignité de ceux qui l’appuieraient avec de telles pensées en se promettant de le trahir et de l’évincer au moment voulu, Il y a une autre politique qui consiste tout simplement à faire de la septennalité une « œuvre sérieuse, » selon le mot de M. le duc de Broglie, à organiser le gouvernement du président de la république, puisque c’est un président de la république qu’on a nommé, à élever par une administration à la fois forte et libérale le chef de ce gouvernement au-dessus de tous les partis au lieu de le réduire à être le représentant et l’instrument d’un parti exclusif. Tout est là, et ce qui complique la situation actuelle, c’est que le ministère, qui prend certainement la septennalité au sérieux, a quelquefois l’air, dans ses choix, dans ses combinaisons, dans sa politique, d’exclure les partis libéraux et modérés qui pourraient le seconder utilement, pour s’appuyer sur ceux qui poursuivent un autre but ; ce qui complique encore plus les choses, c’est que l’assemblée elle-même, après avoir créé ce pouvoir nouveau, semble vouloir perpétuer un état où tout reste en question, où le gouvernement créé par elle n’est qu’insuffisamment organisé pour le rôle qu’on lui attribue, pour tout ce qu’on attend de lui. On veut donner au pays la durée, la stabilité, la sécurité, et on n’évite pas assez tout ce qui peut affaiblir dans son esprit la confiance en ces biens qu’on lui promet, qu’on lui laisse entrevoir sans les lui garantir par la netteté de la politique.

Au fond, lorsqu’on y regarde de près, c’est là une des raisons intimes de ce malaise qui se prolonge, qui devient pour les affaires, pour tous les intérêts, une cause de souffrances croissantes. Le pays, quant à lui, ne demande pas mieux que de voir se réaUser ces promesses de stabilité dont on le flatte, d’entrer dans une ère de sécurité favorable au travail. Comment ne le désirerait-il pas ? Ce n’est qu’en travaillant qu’il peut renouveler son épargne épuisée, suffire à toutes les charges qui pèsent sur lui. Ce gouvernement du maréchal de Mac-Mahon qu’on lui a donné, il l’accepte sans arrière-pensée, sans résistance, à la condition que ce pouvoir ait précisément le caractère qu’on dit, qu’il ne soit pas toujours un provisoire flottant, « livré aux discussions des partis, » selon l’expression récente de M. le duc de Broglie, qu’il soit définitivement organisé, fixé dans des institutions destinées à le compléter en régularisant la vie publique de la France. C’est là l’instinct, le sentiment profond du pays, aux yeux de qui la régularité des institutions est jus-