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ce qui s’est passé hier, Tahir-Pacha s’est retiré à bord de son vaisseau et annonce hautement qu’il n’en veut plus sortir. Ibrahim m’a envoyé son drogman intime pour me faire part de cette circonstance, qui paraît le préoccuper beaucoup. Quoi qu’il en soit, les cent bâtimens rentrés à Navarin ne pourront plus jamais en sortir en masse. L’expédition sur Hydra est manquée : elle est devenue impossible, tant par la nature des obstacles extérieurs que par les méfiances qui se sont élevées entre les Turcs et les Égyptiens. On peut être sûr au moins que, d’ici au retour des courriers, Ibrahim attendra. »

Ibrahim eût peut-être attendu en effet ; mais, pour l’encourager dans ces dispositions conciliantes, il eût fallu que les Grecs de leur côté respectassent l’armistice ; or les Grecs avaient une étrange façon d’interpréter l’arrangement dont ils avaient salué la notification par le plus expansif enthousiasme. Pourvu qu’ils n’attaquassent pas Ibrahim en Morée, ils se croyaient toute autre opération permise. Le 18 septembre 1827, Cochrane mouillait devant Missolonghi avec vingt-trois voiles. Repoussé par les défenseurs de Vasiladi, il retournait bientôt à Syra, mais en partant il laissait au capitaine Hastings le soin de pénétrer dans le golfe de Corinthe. Une flottille turque, composée de six bricks et d’une goélette algérienne, occupait le mouillage de La Scala, dans la baie de Salone. Hastings vint l’attaquer avec son navire à vapeur la Persévérance, le brick le Sauveur et deux canonnières armées chacune d’un canon de 32. Les obus et les boulets rouges de la Persévérance imposèrent silence aux batteries qui protégeaient la rade et détruisirent en moins d’une heure la flottille. Pendant ce temps, les amiraux alliés ne s’occupaient que de retenir Ibrahim. C’était sur ses déterminations qu’ils croyaient urgent de peser.

Le 25 septembre 1827, à dix heures du matin, accompagnés de M. Achille Rouen, premier secrétaire d’ambassade, de M. Cradoch, colonel attaché à la légation d’Angleterre, ils se rendirent à la tente du pacha pour renouveler avec toute la pompe officielle la démarche officieusement tentée par l’amiral français. Ils trouvèrent cette fois le pacha entouré d’un nombreux état-major. « Nous lui déclarâmes, écrivait le lendemain l’amiral de Rigny, notre intention formelle d’établir de fait un armistice et de détruire les flottes ottomanes qui s’y opposeraient. » Après avoir écouté avec autant d’attention que de sang-froid ces paroles menaçantes, le pacha répondit : « Serviteur de la Porte, j’ai reçu l’ordre de pousser la guerre en Morée et de la terminer par une attaque décisive sur Hydra. Je n’ai aucune qualité pour entendre la communication qui m’est faite ni pour prendre un parti quelconque de mon propre chef. Les ordres de la Porte, il est vrai, n’ont pas prévu le cas extraordinaire qui se présente. Je vais expédier des courriers à Constantinople et