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au divan que « les trois puissances sont résolues à imposer par la force des armes une trêve aux parties belligérantes. » Le 9 septembre, les ambassadeurs se rendent en personne auprès du reïs-effendi. Ils le préviennent officiellement que « les flottes alliées vont recevoir l’ordre d’empêcher tout débarquement d’armes ou de soldats en Morée, et qu’elles opposeront au besoin la violence à la violence. » L’accueil fait à ces communications par le divan est tel que l’ambassadeur russe, M. de Ribeaupierre, croit devoir inviter l’amiral Greigh, qui commande la flotte du tsar dans la Mer-Noire, à prendre les mesures qu’il jugera les plus propres à garantir la sûreté des membres de l’ambassade et celle de la colonie moscovite. Deux divisions de l’armée de Bessarabie s’approchent du Pruth.

L’amiral de Rigny avait depuis longtemps prévu ce conflit. Il savait également quelle répugnance éprouveraient l’Angleterre et la France à laisser la Russie peser par ses mouvemens militaires sur les décisions de la Porte. Le principal objet du traité de Londres était précisément d’éviter cette extrémité et de borner l’intervention européenne à une action purement navale. Aussi au premier bruit d’une entente diplomatique près de se conclure, l’amiral s’était-il hâté d’indiquer le seul moyen qui pouvait, suivant lui, écarter les armées russes de l’arène. « Il faut, écrivait-il le 28 juillet, agir sur Méhémet-Ali et lui persuader, fût-ce même par des démonstrations menaçantes, de ne plus se mêler des affaires de la Grèce. » Le 9 août, il revient avec plus d’énergie encore sur cette idée. « Si le pacha, dit-il, restait dans ses doutes, il pourrait arriver que, prévoyant encore un laps de temps suffisant avant la ratification du traité, il n’en profitât pour frapper un dernier coup sur Hydra et pour achever la conquête de la Morée. Qu’auraient alors à faire des médiateurs venant apporter leurs propositions sur ces décombres ? » Jamais préoccupation ne fut plus raisonnable, observation plus juste. S’il n’était dans les destinées et dans l’essence de toute coalition d’arriver toujours trop tard, il est évident qu’à cette heure le port d’Alexandrie devrait être bloqué. Malheureusement les forces navales qui peuvent seules donner à la convention de Londres sa sanction ne sont pas même rassemblées. Une flotte russe, forte de huit vaisseaux de ligne, huit frégates et deux bricks, vient à peine de quitter la Baltique. Cette flotte se rendra en Angleterre et détachera de là dans les eaux du Levant, sous les ordres d’un contre-amiral d’origine hollandaise, le comte Heiden, une division composée de quatre vaisseaux et de quatre frégates.

Le commandant des forces britanniques, le vice-amiral sir Edward Codrington, n’est arrivé à Smyrne dans les dernière jours du mois de juillet qu’avec un seul vaisseau, l’Asia, de quatre--