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un cadeau annuel ; on lui payait en outre une somme fixe pour chaque soldat qu’il fournissait à la milice des colonies néerlandaises, c’est-à-dire par chaque prisonnier de guerre qu’il vendait à ses voisins. Depuis le changement de régime, on ne s’occupait plus de lui, et il ne pardonnait pas aux Anglais ce manque d’égards. D’un autre côté, un de ses parens, brigand redouté, avait été arrêté à l’époque de la cession, et reconduit à Coumassie avec une escorte de 60 hommes; mais il paraît que pendant le trajet on l’avait laissé maltraiter par des indigènes irrités contre lui, et le roi Kalkalli, qui a du moins la vertu d’aimer les siens, avait juré de venger cet affront. Enfin la propagande évangélique avait, comme d’habitude, montré trop de zèle, et plusieurs missionnaires de la Grande-Bretagne avaient été enfermés dans les prisons de la capitale. Quand M. Hennessey, en notifiant au roi des Achantis la cession de la colonie hollandaise, le somma de rendre les missionnaires à la liberté, le roi exigea d’abord une rançon de 6,000 livres sterling, puis parut consentir, après bien des négociations, à réduire ses prétentions à une somme de 1,000 livres; mais il ne cherchait qu’à gagner du temps et préparait une invasion. Sur ces entrefaites, le colonel Harley, qui avait succédé à M. Hennessey vers la fin de 1872, mécontenta la population d’Elmina par une attitude peu conciliante, et des symptômes d’une fermentation dangereuse se manifestèrent bientôt, même parmi les indigènes placés sous le protectorat anglais.

Au mois de janvier dernier, on apprit que les Achantis, forts de 12,000 hommes, avaient entrepris une incursion sur le territoire des tribus alliées, et qu’ils ravageaient les villages qui tentaient de leur résister. Au mois de mars, le torrent envahisseur, grossi par les transfuges, s’avançait jusque sous les murs d’Elmina en vue de bloquer la ville, pendant que l’insurrection éclatait à Secondi et à Bautry. En juin, la milice d’Elmina refusa l’obéissance, et le quartier de la ville situé au-delà de la rivière se déclara en révolte ouverte. M. Harley fit venir une colonne d’infanterie de la marine du Cape-Coast sous les ordres du colonel Festing, et cette troupe, ayant marché toute la nuit, put atteindre le château de Saint-George sans avoir heureusement rencontré les insurgés. Les sommations adressées aux rebelles de la ville n’eurent d’autre effet que de les faire déguerpir vers les fourrés où se cachaient les assiègeans. Les Anglais mirent alors le feu à différens quartiers, en offrant à la population restée fidèle un asile dans le fort. Malgré l’incendie qui réduisit une partie d’Elmina en cendres, malgré plusieurs sorties couronnées de succès au dire des Anglais, la petite garnison n’en resta pas moins dans une situation fort critique.