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cipe du self-gouvernment, en attendant qu’il fût possible de les abandonner complètement à elles-mêmes. Le gouverneur Pine essaya effectivement de constituer une fédération des Fantis, mais sa retraite empêcha la réussite du projet. Une tentative plus récente a échoué aussi parce qu’elle était mal engagée ; il aurait fallu qu’un officier anglais fut investi du pouvoir exécutif pour qu’une telle entreprise présentât quelques chances de durée et de succès. Voici comment elle avorta.

Au mois de novembre 1871, une trentaine de chefs de tribus qui peuplent la Côte d’Or s’entendirent pour fonder une « confédération » qui devait avoir à sa tête un président avec un conseil et une chambre législative. Une constitution en 47 articles fut signée par les trente rois nègres assemblés à Makessim; deux d’entre eux qui savaient écrire y mirent leur nom orné de paraphes fantastiques, les autres se contentèrent de faire une croix au bas de l’acte. Il y était question d’écoles à fonder et de routes à construire. L’article concernant les finances portait que la caisse aurait trois serrures dont les trois clés seraient confiées au ministre des finances, au roi président et au vice-président de la fédération. Cette constitution, œuvre des missionnaires wesleyens qui se sont établis depuis 1834 dans ces contrées, fut violée le jour même où elle fut votée; ne pouvant s’accorder sur le choix du président, on en nomma deux pour mettre d’accord Quasi-Edou et Anfou-Otou, les deux compétiteurs. Trois gentlemen noirs auxquels avaient été conférées les fonctions de ministres se rendirent à Cape-Coast-Castle afin d’informer de ces faits l’administrateur des possessions britanniques dans ces contrées, M. Salmon. Ce dernier commença par les mettre en lieu sûr. Pendant ce temps, la « confédération » avait déjà nommé son représentant à Londres, qui s’empressa de protester auprès du ministre des colonies contre les procédés cavaliers de M. Salmon; le comte Kimberley répondit qu’il ne connaissait pas de « confédération de Fantis, » et les choses en sont restées là.

Le déplorable état où se trouve aujourd’hui la république de Libéria, fondée en 1817 sur un autre point de la côte de Guinée, montre assez ce qu’on peut attendre de ces essais d’autonomie appliqués aux nègres. Depuis 1870, cette république avait pour président un gentleman noir, E. J. Roye, qui vint à Londres en 1871 pour y négocier un emprunt. De retour à Monrovia, il partagea les sommes obtenues avec deux ou trois de ses intimes; mais son peuple eut vent de l’affaire, et le 26 octobre les Monroviens jetèrent en prison leur président avec tout son conseil. La malheureuse république est devenue d’ailleurs un repaire de brigands; le gouvernement britannique réclame environ 300,000 francs de dommages-intérêts