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pression de la traite des esclaves, en vue de laquelle ont été élevés tous ces forts environnés des larges dépôts à nègres qu’on appelle des baracons. Ce ne peut être que par forfanterie que les Achantis sont descendus insolemment de leur plateau pour menacer ces établissemens sans force et sans défense réelle. Il n’y a en effet de richesse commerciale qu’à l’ouest du cap des Trois-Pointes, c’est-à-dire dans la partie du pays dont la France est maîtresse.

L’or se rencontre en paillettes à la surface du sol mélangé aux sables roulés jusque dans les terres plates par les eaux des rivières qui viennent des massifs montagneux. Le précieux métal est retiré du sable par un lavage primitif confié exclusivement aux femmes; mais cette opération est si mal faite que plus de la moitié des paillettes est rejetée à l’abandon. C’est en vain qu’on a cherché à persuader aux nègres d’employer des procédés plus lucratifs, une invincible défiance les empêche d’associer les blancs à l’exploitation de leur terre dorée. L’or est gaspillé par eux avec une étrange profusion en ornemens de toute sorte, d’un travail grossier et sans le moindre goût. On assure que dans les jours de grande fête les hauts personnages se montrent couverts d’une telle quantité de bijoux sous forme de colliers et de bracelets, qu’ils sont obligés de se faire soutenir les bras par des esclaves pour ne pas plier sous la charge. Les poids dont on se sert pour peser les poudres d’or sont les fruits rouges nommés tilikissi; mais ces poids sont bien souvent faux, et les troqueurs de la côte d’Afrique ne s’y fient jamais.

Le commerce avec l’Afrique occidentale procurait à l’Angleterre en 1867 un revenu de 3,200,000 francs, qui en 1870 atteignait à millions; selon toutes les prévisions, il en eût dépassé 5 en 1872, par suite de l’acquisition des comptoirs hollandais, si la guerre avec les Achantis n’était venue entraver les affaires. On prévoyait pour la même année des exportations excédant 50 millions, des importations qui eussent atteint 37 millions, ce qui représente un mouvement commercial de 87 millions de francs, mais il ne faut pas oublier que ces chiffres assez considérables avaient été établis avant l’insurrection. L’Angleterre retirera-t-elle de la lutte qu’elle engage un plus grand développement pour son commerce? Nous ne le pensons pas. Elle peut terrifier les Achantis; mais les faire désormais venir à elle pour troquer directement, ce n’est point probable. La guerre de 1863 a déjà coûté aux Anglais 2,500,000 francs; celle-ci en coûtera 20. Voilà donc déjà les revenus de plus de quatre années gaspillés, et tant de sacrifices pour obtenir une paix qui, à chaque printemps, sera remise en question !

Malgré le zèle déployé par les missionnaires catholiques et protestans, la plupart des nègres qui habitent le littoral et le pays