Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 108.djvu/852

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dyspepsie est l’indice fondamental, sont des plus redoutables, et il n’est pas douteux qu’on y doive ranger le cancer. C’est ce qui faisait dire à Antoine Dubois que la cause du cancer est dans le cerveau.


IV.

De même qu’une corde en vibrant détermine la vibration d’une corde voisine, le spectacle d’une passion provoque, chez ceux qui en sont témoins, une passion ou une tendance à une passion du même ordre. L’enfant répond instinctivement par un sourire au sourire de sa mère, et il nous est difficile de contempler attentivement le portrait d’une personne souriante et surtout de remarquer qu’elle sourit sans prendre nous-mêmes une expression semblable. C’est que, comme le dit M. Léon Dumont, il nous est impossible de penser à un mode d’expression sans que le visage ait une tendance à s’y conformer dans une certaine mesure. A plus forte raison s’y conformera-t-il, si, au lieu d’y penser, nous le voyons. Le bâillement, le hoquet, le soupir, sont contagieux comme le rire.

Les passions bonnes ou mauvaises sont contagieuses. Esquirol semble avoir le premier discerné et caractérisé la contagion morale, qu’il définit la propriété que possèdent nos passions d’exciter chez les individus plus ou moins préparés des passions semblables. La contagion des bons exemples est manifeste, et il est certain que le culte des saints a été un des moyens d’action les plus efficaces et les plus sages que la religion catholique ait imaginés. Malheureusement les mauvaises passions ne trouvent pas moins d’imitateurs, et ici l’imitation est si prompte, si complète, en quelque sorte si automatique, qu’elle semble souvent irrésistible. Un savant médecin psychologue, qui a fait récemment beaucoup d’études sur ce sujet, M. Prosper Despine, a démontré par de très nombreux exemples que, lorsqu’un crime entouré de circonstances dramatiques a été publié avec retentissement, il s’en produit toujours un certain nombre de semblables peu de temps après. Les esprits qu’une forte moralité et une bonne éducation n’ont point prémunis contre la séduction de ces désordres, et chez qui la passion endormie n’attend qu’une occasion pour se réveiller, sont en effet sollicités et décidés par le bruit et l’éclat qui entourent le héros de cour d’assises. Rien de plus curieux, de plus triste et de plus décisif à cet égard que les statistiques de M. Despine. Tantôt c’est un mode particulier d’assassinat, tantôt un procédé nouveau d’empoisonnement, tantôt un moyen original de se débarrasser d’un cadavre, qui suscitent immédiatement de lugubres plagiats exécutés dans des circonstances iden-