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dans les papiers de Mercy, comme très compromettant. La reine, il est vrai, a entretenu avec lui une correspondance que Marie-Thérèse trouve, comme elle dit, humiliante, mais simplement à cause de la distance entre une reine de France et un simple officier. Assurément cette correspondance serait fort intéressante à retrouver : on n’y verrait toutefois, dit Mercy, que des nouvelles de cour, peut-être indiscrètes. Ce qui achève d’interdire à ce sujet les mauvais soupçons, c’est que le comte Valentin Esterhazy a été du nombre de ces étrangers dévoués à la reine qui, comme Fersen et Stédingk, lui ont offert leur concours pendant ses malheurs. On retrouve aussi alors cette correspondance d’Esterhazy, respectueuse, grave et très clairement exempte de coupables souvenirs.

Il y avait en tout cas péril et vrai dommage pour Marie-Antoinette à s’entourer, comme elle le faisait sans cesse, d’un petit nombre de personnes préférées; il en résultait des situations fâcheuses et choquantes, comme lorsqu’il fut permis à Coigny, Guines, Esterhazy et Besenval de rester tout le jour en gardes-malade auprès d’elle pendant une rougeole. « Le roi y pensa le premier, raconte Mercy, et dès ce moment ils s’emparèrent de la chambre de la reine ; depuis sept heures du matin jusqu’à onze heures du soir, ils n’en sortaient que pour le temps de leurs repas. » Mercy en dit le moins qu’il peut dans son rapport ostensible ; mais il est moins réservé dans le rapport secret. « Il est bien vrai, écrit-il, que le roi, accoutumé à ne se refuser à rien de ce qui peut plaire à son auguste épouse, avait approuvé que les ducs de Coigny et de Guines, le comte Esterhazy et le baron de Besenval restassent auprès de la reine; mais ce consentement avait été provoqué par cette princesse, qui n’en sentit pas d’abord les conséquences. Elles aboutirent à toute sorte de propos très fâcheux, à de mauvaises plaisanteries tenues à la cour même, où l’on mit en question de savoir quelles seraient les quatre dames choisies pour garder le roi dans le cas où. il tomberait malade, A peine les quatre personnages susdits furent-ils installés à leur poste qu’ils prétendirent veiller la reine pendant la nuit ! Je m’opposai fortement à cette ridicule idée... » Madame et la princesse de Lamballe se trouvaient dans les appartemens, il est vrai; mais le comte d’Artois y venait aussi, et ce n’était pas sa présence qui empêchait qu’on ne glosât sur l’étrangeté d’une société si intime. Notez que, par précaution pour le roi, nous dit-on, la reine avait exigé qu’il n’entrât pas chez elle. En même temps on profitait de l’occasion pour travailler Louis XVI, comme s’exprime Mercy, du côté de la galanterie. Il ne tenait pas à l’entourage, de l’une ni de l’autre part, qu’on ne vît le retour de scandaleux désordres; mais le favoritisme de cette cour devait s’arrêter bien en-deçà de tels excès.

La faute de Marie-Antoinette ne consistait, à vrai dire, que dans