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n’avait d’autre dessein que d’arriver à ne pas payer ses dettes, et que la reine refusa très nettement de se prêter à lui procurer ce succès vulgaire. « Pendant ce carême, écrit Mercy le 18 mars 1777, la reine a repris l’habitude de passer plus fréquemment les soirées chez la princesse de Guéménée, qui réunit chez elle le double inconvénient du gros jeu et d’une compagnie fort mêlée. Sa majesté y est fort importunée de sollicitations; elle a résisté cependant à toutes celles qui lui ont été faites en faveur du duc de Lauzun, lequel, à l’âge de vingt-six ans, après avoir mangé le fonds de 100,000 écus de rente, est maintenant poursuivi par ses créanciers pour près de 2 millions de dettes. Ce protégé de la princesse de Guéménée désirait d’obtenir par la reine des lettres d’état qui le missent à couvert de toutes poursuites ; mais, sur les représentations instantes qui ont été faites à sa majesté, elle a vu toute l’injustice d’une pareille demande, et elle s’y est refusée. » Voilà la vérité, que Lauzun dissimule. Ce n’est qu’à propos de ce qui concerne la reine et à son détriment qu’il veut paraître en savoir plus qu’il ne dit; mais qui peut douter que des écervelés comme Besenval et lui, s’ils en avaient eu le droit, n’eussent parlé bien davantage? — Quant au duc de Coigny, il a été plus tard l’occasion de beaucoup de médisances et de calomnies dont la première source fut le Palais-Royal, si nuisible à Marie-Antoinette, surtout depuis que la fameuse journée d’Ouessant était devenue pour le duc de Chartres un motif d’impopularité, de dégoûts et d’aigre défiance, particulièrement contre la reine. Le duc de Coigny figure cependant fort peu dans les papiers de Mercy : il est clair que, jusqu’en 1780, très connu de l’ambassadeur d’Autriche, il ne lui inspire au sujet de Marie-Antoinette aucune crainte; c’est à propos de ce courtisan et du duc de Guines que Mercy écrit le 17 mai 1779 : « La reine daigna me répéter encore sa façon de penser et le jugement très sain qu’elle porte de ces mêmes gens qui l’entourent, qu’elle semble favoriser tant, et pour lesquels elle a dans le fond une très médiocre estime, leur influence n’ayant pour base que des motifs de pure dissipation. » Premier écuyer du roi, si le duc de Coigny compte parmi la société de la reine, on le voit en même temps fort occupé auprès de la marquise de Châlons et vivant d’ailleurs avec la princesse de Guéménée, séparée de son mari. Le comte de Creutz, très soucieux d’informer Gustave III son maître au sujet des intrigues de la cour, le traite d’honnête homme et s’abstient de remarques ou d’allusions particulières.

Le comte Valentin Esterhazy enfin, étranger admis au service de France, était accueilli de Marie-Antoinette comme un compatriote que l’impératrice sa mère lui avait, dans ses lettres, vivement recommandé. Il ne paraît pas, dans les mémoires contemporains ni