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nant le rôle et l’influence de Marie-Antoinette dans les affaires publiques pendant la première partie de son règne.


IV.

Les dernières années qui précèdent la mort de l’impératrice, survenue en 1780, comptent encore pour Marie-Antoinette dans sa période de vie dissipée et légère. La visite de Joseph II à Paris, au printemps de 1777, et une première grossesse, d’avril à décembre 1778, n’avaient pas amené dans ses habitudes tout le changement qu’on aurait eu droit d’en attendre. Ces années présentent comme un résumé des inconséquences et des fautes qui, multipliées autour de la reine, en partie par son fait, l’engagèrent sans retour possible dans la voie funeste où elle devait bientôt rencontrer, comme un sinistre prélude, le procès du collier. Le premier malheur fut l’essor du favoritisme. Au crédit extrême du duc de Guines, que suit promptement une disgrâce effective, à celui de Mme de Lamballe, mérité par un dévoûment sincère, mais souvent maladroit et bientôt dédaigné, succède l’unique domination de la comtesse Jules de Polignac et des siens. La reine l’a vue dès 1775 dans une fête de cour; son air de candeur et de sensibilité touchante l’a émue : elle a rêvé une amie de cœur. Il y manquait de la part de la comtesse Jules au moins une vertu, le désintéressement. La comtesse, à en croire les rapports de Mercy, obtint de la faiblesse du roi, par l’intervention de la reine, pour elle-même ou pour ses parens et amis, des grâces exorbitantes, de nature à compromettre et le bon ordre des finances et le renom de justice, de bon vouloir, de protection pour les faibles, que le roi et la reine eussent été jaloux de mériter. Les témoignages en sont nombreux et graves dans les rapports confidentiels de Mercy. C’est vers l’époque des couches de la reine, après trois années déjà de faveur, que le triomphe exclusif de Mme de Polignac commence à se décider. Elle a pour signe de sa puissance l’empressement de Maurepas, l’habile et vieux courtisan, à s’offrir à elle et à se ménager son amitié; mais elle en veut une autre sorte de preuves, ce que Mercy appelle les grâces utiles. Voici la liste qu’il en donne rien que pour les deux années 1779 et 1780 : la comtesse obtient d’abord 400,000 livres pour elle-même, afin de payer ses dettes, la promesse d’une terre de 35,000 livres de revenus, et 800,000 livres en argent pour la dot de sa fille. On avait commencé par demander en pur don un domaine de 100,000 livres de rente, et on avait jeté les yeux sur une terre de la couronne en Lorraine, le comté de Bitsch; quelques bons avis donnés au roi et à la reine et les objections du directeur-général des finances y avaient seuls fait renoncer. Les sommes accordées n’en étaient pas moins