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des titres qui remontaient au XVe siècle. À cette démarche hardie, Frédéric II avait aussitôt répondu : il était venu, à la tête d’une armée, prendre position sur la frontière de Bohême, prêt à envahir les possessions autrichiennes, si les troupes d’occupation n’évacuaient pas la Bavière. En présence de cette situation critique, la cour de Vienne elle-même n’était pas entièrement unie. Ce n’était pas Marie-Thérèse qui avait eu la première pensée et commandé les premières mesures de cette entreprise ; elle en était plutôt effrayée, et retrouvait cette fois encore tous ses scrupules. Trois jours seulement après la mort de l’électeur de Bavière, elle représentait à son fils par une forte lettre que l’occupation à main armée était une violence dangereuse, que les droits qu’on faisait valoir étaient, de l’aveu même du ministère autrichien, « peu constatés et surannés, » qu’il fallait négocier et traiter de la paix au plus vite. « Si même nos prétentions sur la Bavière étaient plus solides qu’elles ne le sont, disait-elle, on devrait hésiter d’exciter un incendie universel pour une convenance particulière... Je n’ai pas vu prospérer aucune entreprise pareille, hors celle contre moi 1741 par la perte de la Silésie. » Marie-Thérèse alla jusqu’à se résigner, alors que les deux armées étaient en présence, à envoyer d’elle-même et à l’insu de Joseph II des propositions d’arrangement au roi de Prusse. Tout autres étaient le langage et la pensée de Joseph II. « Il faut soutenir avec fermeté les droits et avantages acquis, écrivait-il à son frère Léopold. Si notre grand projet réussit, c’est un vrai coup d’état et un arrondissement pour la monarchie d’un prix inappréciable. » Il prétendait revendiquer ainsi, à la faveur des circonstances, une compensation pour la perte de la Silésie. Les traités conclus en 1756-1757 avec la France avaient eu, pensait-il, pour intention de faire rendre cette province à l’Autriche ; ce projet ne s’étant pas réalisé, le cabinet de Vienne pouvait bien demander à la France qu’elle l’aidât à se dédommager d’un autre côté.

À Versailles cependant les dispositions n’étaient pas favorables. On y avait accueilli avec un vif mécontentement l’occupation de la Basse-Bavière et l’armement subit du roi de Prusse. Louis XVI avait dit à la reine en recevant les premières nouvelles : « L’ambition de vos parens va tout bouleverser. Ils ont commencé par la Pologne ; maintenant la Bavière fera le second tome : j’en suis fâché par rapport à vous. Nous venons de donner ordre aux ministres français de faire connaître dans toutes les cours que ce démembrement de la Bavière se fait contre notre gré, et que nous le désapprouvons. » C’était aussi le sentiment de Marie-Antoinette ; elle écrivait à Mme de Polignac qu’elle craignait bien qu’en cette occasion son frère « ne fît des siennes. » Quant au ministère français, il interprétait les traités de 1756-1757 comme n’ayant garanti que les possessions de