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déjà elle s’occupe de ce qu’on devra dire aux alliés de l’Autriche, à la France, à l’Espagne, quand l’heure sera venue des explications nécessaires :


«... Nous n’empêcherons plus le roi de Prusse d’arracher une partie de la Pologne, dit-elle; la Russie prendra la sienne, et on nous en offre une égale. Entre particuliers, une offre de cette nature serait une insulte et l’accepter une injustice : les lois du droit, de la nature, n’ont-elles pas la même force sur les actions des souverains ? Le dénoûment de la scène n’obtiendra sûrement pas l’applaudissement de nos alliés. Si le duc de Choiseul était encore en place, il voudrait sans doute profiter de l’occasion pour nous enlever quelque partie des Pays-Bas, où nous ne serions pas en état de faire la plus légère résistance. Au reste, comme nous avons usé jusqu’ici de tant de réserve avec)a France, il faudra continuer sur le même pied jusqu’à la conclusion de la paix et l’exécution de nos arrangemens avec la Russie et avec la Prusse. Alors on devra alléguer des raisons au moins spécieuses pour nous justifier. On pourrait dire par exemple à la France : 1° que c’est elle-même qui est la première cause de tous les événemens actuels, par les mouvemens que, malgré toutes nos exhortations, elle s’est donnés pour exciter la Porte à déclarer la guerre à la Russie, 2° qu’en prenant ce parti elle ne s’est pas inquiétée de tous les embarras, frais et dangers que doit naturellement nous occasionner la guerre allumée dans notre voisinage, et de l’influence prépondérante que devait avoir dans cette guerre et dans la paix qui la terminerait celui de nos ennemis que nous avons le plus à redouter, 3° que, voyant le danger dont, par le succès de la Russie et sa liaison intime avec le roi de Prusse, nous étions menacés de toutes parts sans avoir d’aucun côté quelque secours efficace à espérer, nous avions naturellement dû aviser par nous seuls aux moyens de nous en tirer, 4° que c’eût été nous exposer de gaîté de cœur à notre propre ruine que d’entreprendre une guerre difficile contre la Russie, et de nous attirer par là une attaque certaine de la part du roi de Prusse, — qu’il avait donc fallu borner nos vues à diminuer autant que possible les sacrifices que la Porte serait obligée de faire pour prévenir la destruction totale de son empire; que, pour réussir dans ce point, nous étions réduits à la nécessité de consentir au démembrement de la Pologne, déjà concerté entre la Russie et le roi de Prusse; que, ce démembrement une fois résolu, l’intérêt de notre propre sûreté et celui de l’Europe entière avaient exigé que nous prissions, quoique à regret, le parti de chercher à contre-balancer le surcroît de force que ces deux puissances acquéraient, en nous réservant à nous-mêmes une part de ce démembrement, sur laquelle nous avons d’ailleurs des droits incontestables; 5° on pourrait ajouter, pour justifier la réserve dont nous avons usé vis-à-vis de la France, que, le ministre français ayant fait sans notre participation l’acquisition im-