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parti à prendre en conséquence de la note du baron de Swieten du 5 février 1772. » La Russie et la Prusse signaient le 17 février leur convention secrète; l’Autriche allait y adhérer en avril.


« J’avoue qu’il me coûte, écrit-elle, de me décider sur une chose dont je ne suis aucunement rassurée qu’elle est juste, si même elle était utile, mais je ne trouve pas même l’utile. Le plus facile serait d’accepter le partage qu’on nous offre de la Pologne; mais par quel droit dépouiller un innocent qu’on a toujours prôné vouloir défendre et soutenir? Pourquoi tous ces grands et coûteux préparatifs et tant de bruyantes menaces pour l’équilibre du nord? La seule raison de convénience, pour ne pas rester seule entre les deux autres puissances sans tirer quelque avantage, ne me paraît pas suffire, ni même être un prétexte honorable pour se joindre à deux injustes usurpateurs, dans la vue de plus abîmer encore, sans aucun autre titre, un troisième. Je ne comprends pas la politique qui permet qu’en cas que deux se servent de leur supériorité pour opprimer un innocent, le troisième peut et doit, à titre de pure précaution pour l’avenir et de convénience pour le présent, imiter et faire la même injustice, ce qui me paraît insoutenable. Un prince n’a d’autres droits que tout autre particulier; la grandeur et le soutien de son état n’entrera pas en ligne de compte quand nous devrons tous comparaître à le rendre... Ce qui pourrait nous échoir n’égalera jamais en grandeur et convénience la moitié de la portion des autres. Il ne peut être question de la Servie et Bosnie, seules provinces qui nous conviendraient. Il ne nous reste que la Valachie et la Moldavie, pays malsains, dévastés, ouverts aux Turcs, Tartares, Russes, sans aucune place, enfin pays où il faudrait employer bien des millions et du monde pour s’y maintenir. Notre monarchie peut se passer d’un agrandissement de cette espèce, qui tournerait à sa ruine complète. Il faudrait par conséquence revenir à la Pologne et lui assigner à titre d’indemnisation la Valachie et la Moldavie; ce serait encore le seul moyen, le moins mauvais auquel je pourrais me prêter : tous les autres ou mèneraient à une guerre avec les Turcs qui serait injuste, ou à dépouiller un troisième sans l’indemniser. Que diront la France, l’Espagne, l’Angleterre, si tout d’un coup on se lie étroitement avec ceux auxquels nous avons tant voulu imposer et dont nous avons déclaré les procédés injustes? J’avoue, ce serait un démenti formel de tout ce qui s’est fait depuis trente ans de mon règne. Tâchons plutôt de diminuer les prétentions des autres au lieu de penser à partager avec eux à des conditions si inégales. Passons plutôt pour faibles que pour malhonnêtes. »


La seconde pièce ne porte aucune date, mais elle est sans nul doute postérieure à celle qu’on vient de lire, car le parti y est pris. Marie-Thérèse en est encore affligée; elle continue de gémir en rappelant la série de fautes qui ont rendu ce résultat inévitable; mais