Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 108.djvu/79

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

s’agrandissant, et l’activité des deux lieutenans du Châtelet, partagée avec d’autres soins, ne pouvait plus suffire. Louis XIV prit le parti de remettre à un officier spécial investi d’une autorité suffisante ce service difficile. Un lieutenant de police fut donc établi à Paris en 1667, non comme un fonctionnaire à part, car on ne songeait point encore à déposséder le Châtelet d’une juridiction liée à son origine même, mais comme un magistrat de cette cour, comme un collègue du lieutenant civil et du lieutenant criminel, relevant également du parlement. Ce lieutenant fut chargé dans Paris et sa banlieue de la sûreté publique, de la police des halles, des marchés, du commerce et des mœurs, ainsi que d’une foule de détails de réduite, et, comme les anciens erremens n’étaient point abandonnés, l’administration se confondait avec la justice dans la main du nouveau magistrat, « Les fonctions de lieutenant de police, écrit le marquis d’Argenson, sont un mélange de magistrature et d’administration. » Ce fonctionnaire eut son tribunal, sorte de tribunal de police correctionnelle, où il siégeait assisté d’un certain nombre de conseillers au Châtelet. Toutefois la compétence de celui-ci n’était pas le prototype exact de la moderne juridiction. Le lieutenant de police connaissait simplement des cas de flagrant délit, il prononçait en dernier ressort sur les délits die vagabondage et de mendicité à son audience, tenue certains jours de la semaine comme celles du lieutenant civil et du lieutenant criminel.

Le rôle considérable que jouait la police dans le gouvernement de Paris valut au magistrat qui en était chargé une importance croissante ; par la force des choses, le cercle de ses attributions s’agrandit. Aussi reçut-il en 1674 le titre de lieutenant-général de police ; ses ordonnances furent déclarées exécutoires dans tout le royaume, et il fut constitué juge dans la généralité de Paris de la partie du contentieux administratif dont les intendans connaissaient en province ; on appelait de ses décisions au conseil du roi. Des fonctions d’un ordre si élevé placèrent naturellement le lieutenant-général de police au-dessus de ses collègues du Châtelet : il devint à beaucoup d’égards comme un autre intendant de Paris ; il entretenait des relations journalières avec les secrétaires d’état, les ministres et même le roi, qui portait une attention toute particulière au bon ordre de sa capitale. De cette façon, le lieutenant-général de police prit la place qu’avait occupée au moyen âge le prévôt de Paris, dont les fonctions n’étaient plus qu’honorifiques aux derniers siècles, et qui avait eu antérieurement le droit de faire au monarque des rapports de police.

La confiance qu’inspirait le nouveau magistrat le fit commettre plus d’une fois à l’examen d’affaires qui n’étaient pas dans le principe de sa compétence. Cela arriva surtout quand Voyer d’Argenson