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injustes qu’ils fussent, soit aux panégyriques, à l’illusion pieuse, à l’admiration superstitieuse et puérile : double voie d’erreur et de mensonge qui faisait beau jeu aux pièces apocryphes[1]. De nouveaux documens, empruntés aux archives de Vienne, contribueront à combler les lacunes et à dissiper les erreurs, en mettant en pleine lumière la vérité historique et morale.

Marie-Thérèse, lorsqu’elle se sépara de sa fille, mariée en 1770 au dauphin, ne se contenta pas des instructions qu’elle rédigea pour elle à son départ. Elle entretint une correspondance particulière avec son ambassadeur, le comte de Mercy-Argenteau, et souhaita que chaque courrier de France lui apportât, outre une lettre de la dauphine, les informations secrètes de ce dernier. Bien plus, comme elle pouvait être amenée à laisser voir ces rapports à son fils, l’empereur Joseph II, ou même à son fidèle ministre le prince de Kaunitz, elle voulut, pour les confidences intimes, des feuilles à part, secrétissimes, comme elle dit, et pour elle seule, ce qu’indiqueraient ces mots tîbi soli. Mercy prit donc l’habitude d’envoyer par chaque courrier deux rapports : d’abord une sorte de journal de ce qui s’était passé à la cour pendant le mois, puis une dépêche contenant les détails intimes et les réponses aux communications de sa souveraine, quelquefois sur les plus importantes affaires de la politique générale. L’extrême confiance de Marie-Thérèse déléguait à Mercy une autre mission que celle de simple informateur. C’est d’après ses avis que, sur plus d’un point délicat, elle écrit à sa fille, pendant que celle-ci accueille et invoque également ses conseils en vue de certaines lettres à sa mère. Il est le confident de toutes deux, bien qu’il n’appartienne entièrement comme tel qu’à l’impératrice. On le voit, dans ses rapports, annoncer les expressions par lui suggérées qui se trouveront dans les lettres de Marie-Antoinette, et inspirer parfois à Vienne celles qui se trouveront dans les lettres de Marie-Thérèse. Afin qu’il soit constamment bien informé, l’impératrice lui communique soit les lettres venues de Versailles, soit ses propres réponses : il les renvoie après en avoir pris connaissance et même copie. Quelquefois c’est seulement une analyse, avec ou sans citations, qu’elle lui adresse, et de la sorte les papiers de Mercy, auxquels sont empruntés les nouveaux documens que nous voudrions résumer, ajoutent des fragmens inédits à ce qui était déjà connu de la correspondance entre Marie-Antoinette et sa mère.

Ainsi se poursuivit pendant dix années autour de Marie-Antoinette, depuis son arrivée en France jusqu’à la mort de l’impéra-

  1. Il doit être entendu qu’on n’a pas un mot, pas un seul mot à retirer de ce qui a été dit dans la Revue à ce sujet. Voyez, sur l’authenticité de certains recueils de lettres de Marie-Antoinette, diverses études de M. A. Geffroy dans les livraisons des 1er juin, 15 juillet et 15 août 1866.