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L’ANTECHRIST
ET
LE CHRISTIANISME

L’Antéchrist, par M. E. Renan, membre de l’Institut; Paris, Michel Léry, 1873.


I.

M. Renan poursuit la tâche laborieuse qu’il s’est prescrite, et continue de raconter les origines du christianisme. Les circonstances au milieu desquelles ce grand travail approche de son terme diffèrent singulièrement de celles où il fut commencé. On se rappelle la tempête que souleva la Vie de Jésus. Ce fut un des momens saillans du second empire. Le régime de compression auquel la France était alors soumise avait jusqu’à un certain point épargné les hautes études, à la condition, bien entendu, qu’elles n’eussent rien à démêler avec les intérêts d’un pouvoir toujours dominé par des considérations où les progrès de la science elle-même n’entraient pour rien. M. Renan apprit à ses dépens ce qu’il en coûtait d’effleurer en passant certaines questions sur lesquelles les âmes dévotes ou feignant de l’être, — celles-ci surtout, — sont d’une susceptibilité de sensitive. Professeur au Collège de France, dans cet asile héréditaire de la science libre, il fut suspendu, puis destitué, pour une phrase qui aurait pu être prononcée du haut de bien des chaires chrétiennes à la grande édification des auditeurs. Le second empire a eu cette singulière fortune de faire continuellement des concessions de détail au parti clérical, dont il recherchait toujours l’appui, et de préparer par sa politique étrangère la