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mences que la destruction prochaine et l’irrémissible déshonneur de la république. »

Le 8 septembre, quand il prit possession de la présidence du pouvoir exécutif, le tribun assagi répéta en les fortifiant les mêmes déclarations. « Je vous le dis franchement, s’écria-t-il, vous livrez la démocratie à son plus mortel ennemi, à cette démagogie qui conspire éternellement dans l’ombre, qui n’a que des appétits et point d’idées, et, obéissant à des instincts pervers, enseigne au peuple la vengeance quand il ne doit vouloir que la justice, — à cette démagogie enfin qui répand dans l’air la terreur sociale et prête aux césars ses épaules pour les hisser au pouvoir. Voilà ce que nous réprouvons de toutes nos forces, voilà ce que nous combattrons avec toute la vigueur de notre caractère et toute l’énergie de notre autorité… Oui, nous tenons à prouver que la vraie démocratie n’est pas seulement la liberté, qu’elle est aussi l’ordre et la justice, qu’elle n’est pas seulement le droit, qu’elle est l’autorité. Telle est notre ambition ; nous aspirons à convertir le parti républicain en un parti de gouvernement. »

En ce qui touchait le rétablissement du code militaire, l’orateur s’exprimait sur ce point délicat avec une noble franchise, non sans rendre hommage aux scrupules de son prédécesseur. « La suppression de l’échafaud, disait-il, est un de nos principes ; mais il n’est pas de république au monde, y compris la Suisse, qui admette qu’une armée puisse subsister sans discipline, et qui n’ait écrit dans son code militaire, comme sanction suprême, la peine de mort. » Et faisant allusion à de déplorables incidens qui s’étaient passés en Catalogne et ailleurs : « Est-il possible de souffrir, continuait-il, que des convois restent en route, que des officiers se voient contraints d’abandonner leurs régimens, que des soldats crient impunément : à bas les galons ! que des fusils soient livrés aux carlistes, que ceux qui répondent de l’ordre pillent et maraudent, que Cabrinety meure parce qu’un cornette a plus d’autorité que lui sur ses bataillons ? Pouvons-nous tolérer de tels désordres un jour de plus, et voulons-nous laisser croire à l’Europe que la société espagnole est revenue à l’état sauvage, qu’elle a proclamé la république pour se donner un vernis de civilisation, mais qu’elle conserve au fond de ses entrailles tous les germes de la barbarie ? Non, je ne puis ni ne dois y consentir. Accusez-moi d’inconséquence ; je vous laisserai dire et ne me défendrai point. Ai-je le droit de sauver à tout prix ma réputation et de la préférer au salut de mon pays ? Que mon nom périsse ! que la postérité me crie anathème ! que la génération présente me mette au ban ou me condamne à l’exil ! peu m’importe, j’ai assez vécu ; mais que la république ne se perde pas par ma fai-