Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 108.djvu/720

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
716
REVUE DES DEUX MONDES.

et celles où se trouvaient engagés les évêques et les personnes de haut rang ? Les textes anciens ne le disent pas, ils se bornent à les mentionner, et quand on cherche dans les livres modernes des explications claires et précises, on n’y trouve le plus souvent que des indications vagues et contradictoires, car les ténèbres qui couvrent ces temps si loin de nous ont permis à toutes les hypothèses de se produire.

Il n’est pas sous les deux premières races une seule institution, une seule fonction administrative, une seule condition sociale qui n’ait donné lieu à quelque controverse. La truste royale et le titre d’antrustion ont particulièrement soulevé de vives polémiques, et provoqué de nombreux dissentimens entre les érudits, en France aussi bien qu’en Allemagne. M. Deloche, dans un livre qu’il vient de publier, a entrepris de résoudre la question, et tout en faisant quelques réserves sur un très petit nombre d’ailleurs des interprétations nouvelles qu’il propose, nous devons lui rendre cette justice, qu’il a porté dans ses recherches une rare sagacité, et procédé avec une rigueur mathématique que l’on cherche trop souvent en vain dans les travaux d’histoire.

Que faut-il entendre au juste, se demande d’abord M. Deloche, par ce mot trustis, qui tient une si grande place dans les textes de la période franque ? quel est le sens que lui ont attribué les écrivains modernes ? Ici nous nous trouvons en présence des contradictions que nous avons signalées. Canciani, Garnier, Guérard, Grimm, Waitz, donnent chacun à l’institution de la trustis un caractère différent, mais toujours un caractère unique. M. Deloche analyse leurs systèmes ; il établit d’une manière péremptoire que parmi ces systèmes il n’en est aucun qui reçoive des textes une pleine et entière confirmation, et l’explication qu’il propose nous paraît très concluante. La trustis, dit-il, n’était rien autre chose que le compagnonnage guerrier, et l’antrustion le compagnon volontaire des rois francs. C’était là le sens général de ces deux mots ; mais ce sens subit, suivant les textes, quelques modifications : il exprime tantôt l’assistance que les Francs juraient au roi, et non, comme on l’a quelquefois prétendu, la protection que le roi accordait aux Francs, — tantôt la condition, l’état social et politique de ceux qui avaient promis cette assistance, — tantôt enfin il s’applique à l’ensemble des individus liés par leur serment envers le prince. « Ces modes d’emploi différens d’un même terme, dit M. Deloche, ont un lien commun : l’idée de l’assistance armée et du devoûment personnel promis au roi, et je dois faire remarquer qu’ils ne se présentent pas dans un ordre chronologique et comme ayant été successivement usités, chacun à l’exclusion des deux autres pendant le temps de sa durée ; ils ont au contraire existé simultanément, comme le prouvent les dates des documens cités. »

Après avoir très nettement indiqué ce qu’était la truste. M, Deloche