Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 108.djvu/718

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
714
REVUE DES DEUX MONDES.

ébloui par la terrible lumière qui s’est faite, se retrouve lui-même ; il prend son parti, et il pardonne sans phrases. Il ne sera pas généreux à demi ; Monsieur Alphonse ayant refusé de reconnaître sa fille, M. de Montaiglin s’en déclare le père et force Octave de signer l’acte de reconnaissance comme témoin, en dédaignant la réparation qu’Octave croit devoir lui offrir. Tout n’est pas fini cependant. Mme Guichard, cédant à une inspiration de son cœur, est allée de son côté à la mairie reconnaître Adrienne comme sa fille, afin de couper court au débat qui s’est élevé. Lorsqu’elle apprend ce qui s’est passé pendant son absence, elle conçoit des soupçons, et une épreuve qu’elle fait subir à Mme de Montaiglin lui révèle le douloureux secret de la mère d’Adrienne. Cette dernière découverte la fixe définitivement sur le caractère de son amant, et Monsieur Alphonse est chassé avec mépris. Le commandant ira faire un séjour aux colonies avec sa femme et sa fille.

Tous les personnages de cette pièce sont étudiés sur le vif et rendus avec une étonnante vérité. Les artistes qui les représentent ont leur bonne part dans le succès obtenu : ils se sont montrés à la hauteur de leur tâche. Il fallait de la part d’un débutant (M. Achard) quelque courage pour affronter le rôle ingrat de Monsieur Alphonse, car le spectateur ne peut se défendre d’un certain malaise en présence de ce personnage douteux. Les gauloiseries de la veuve choqueront peut-être les délicats ; on peut l’excuser en lui disant avec Voltaire : Répandez sur vos adversaires le sel dont il a plu à Dieu de favoriser votre conversation.

R.

ESSAIS ET NOTICES.

LES ORIGINES ET LE CARACTÈRE DE L’ANTRUSTIONAT.

La Trustis et l’antrustion royal sous les deux premières races, par Maximin Deloche, membre de l’Institut ; Paris, Imprimerie nationale, 1873.


Depuis tantôt trois siècles, l’histoire de nos origines nationales sous les deux dynasties franques a été l’objet de très nombreux travaux. Au moyen âge, les traditions fabuleuses qui se rattachent au berceau de tous les peuples avaient obscurci les premiers temps de la monarchie française, et, par une étrange bizarrerie, aucune de ces traditions ne rappelait la Gaule, Rome ou la Germanie. Les unes remontaient à la Bible et aux fils de Japhet, les autres à l’Iliade et aux migrations troyennes. Frédégaire, dans sa Chronique, donne pour aïeux directs aux Mérovingiens Francus ou Francion, prétendu fils de Priam ; Dagobert s’honore de descendre du noble sang des Troyens. Charles le Chauve invoque la même généalogie ; la fable s’impose jusqu’au xvie siècle. Enfin en