Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 108.djvu/697

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

touchent davantage : un pays d’ailleurs n’a rien à gagner avec ceux dont la fortune est faite; il a au contraire intérêt à encourager ceux dont la fortune est à faire. Ajoutons que c’est là le débat qui depuis longtemps s’agite sous une autre forme entre la grande et la petite propriété. Tandis que là-dessus les théories se donnaient carrière et partageaient les meilleurs esprits, les faits intervenaient et faisaient au problème posé une réponse presque toujours décisive. Là où, par une bonne fortune, la division constante de la propriété parvenait à s’établir, les plus heureux effets en dérivaient à l’instant même et se multipliaient par la durée ; pacification des esprits, meilleurs rapports entre les classes, cultures plus soignées, produits de choix et d’un placement plus sûr, voilà pour les intérêts particuliers, et, quant aux intérêts généraux, aisance acquise à un plus grand nombre d’individus et perfectionnement visible de la civilisation. Jamais instrument ne fut plus sûr à l’emploi, et ne trompa moins la main qui le mettait en œuvre.

Un détail qui a obtenu à Vienne un incontestable succès, c’est l’exposition des machines agricoles. L’Autriche n’y entrait que pour une faible part, et il ne semble pas que la France ait été représentée autrement que par la fabrique de Liancourt; mais l’Angleterre et les États-Unis avaient engagé sur ce terrain un duel curieux à étudier. Charrues à vapeur, batteuses, faneuses, faucheuses, moissonneuses, présentaient des deux côtés, et avec une grande variété d’échantillons, un magnifique corps de bataille. On voyait bien que c’était là pour les deux nations non pas des produits à classer dans un musée, mais des instrumens usuels bien éprouvés, bien appropriés et capables de forcer toutes les résistances de la terre. Pas un des champions qui ne se sentît en mesure de vaincre. Des expériences d’ailleurs avaient lieu de temps à autre sur des terrains à proximité, et les jurés se portaient sur les lieux pour décider du mérite des armes. C’est qu’en Angleterre et aux États-Unis la machine agricole est désormais l’accompagnement obligé de toute bonne exploitation. A mesure que dans les deux pays les bras sont devenus rares et chers, il a fallu s’en remettre aux instrumens pour tous les services qu’il était possible de leur confier avec quelque économie et quelque succès. En France, nous n’en sommes pas là, et on est fondé à se demander quelle en est la cause : les peuples étrangers ont pris les devans et ont surabondamment réussi, que ne les imitons-nous? A peine y a-t-il eu quelques essais dans les départemens du nord et du nord-ouest, partout ailleurs les instrumens mécaniques ne sont pas même connus. Est-ce la routine, est-ce le fractionnement du sol qui s’y oppose? Les difficultés viendraient-elles de la nature des terrains ou de l’inexpérience des hommes?